Tino Rossi – Biographie générale 1/5.

(Tino Rossi, peint par le Maître Jacques Weismann en 1936)

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Premières années – Premiers succès

Naissance, enfance et jeunesse.

En 1907, le lundi 29 avril à 7H00 du matin, Tino Rossi naît à Ajaccio, au 43, rue du Cardinal Fesch.

  • Le bébé qui pèse six livres, est rouge comme une écrevisse comme le dira une de ses tantes.

En effet, Constantin porte le prénom de l’un de ses frères, décédé en bas âge le 4 décembre 1906. Pour sa mère, Constantin est ce que l’on appelle le consolateur après ce deuil.

Constantin Rossi porte aussi le prénom de son grand’père paternel, le père de Laurent, né italien, immigré des environs de Gênes. Tino est donc de sang corse au 3/4 et de sang italien au 1/4.

Alors petit garçon, un jour, Tino se promène dans Ajaccio, la main dans celle de sa maman – Eugénie, lorsqu’une Gitane s’approche d’eux. Elle voulait les arrêter, mais Eugénie tirait Tino par la main dans le sens opposé, pour quitter cette place.

  • La Gitane déclara à sa mère : « Ce petit garçon sera un jour aussi illustre que ce grand conquérant ! », tout en désignant la statue de Napoléon Bonaparte qui se dressait devant eux…
  • Du coup, Eugénie en eut très peur, car en Corse, en général lorsqu’un homme devenait connu en ce temps-là, ce n’était souvent pas pour les meilleures raisons, hélas…

Dès son enfance, Tino aime chanter, chante tout le temps et tous ceux qui l’entourent lui reconnaissent une voix très pure. Bien que doté d’une grande mémoire, il préfère l’école buissonnière aux études car il s’ennuie en classe !

Aussi, déserte-t-il volontiers les cours pour suivre les muletiers sur les sentiers montagneux environnants, où il se sent libre. Et Tino chante volontiers avec eux au cours de ses escapades. Ces mêmes muletiers lui diront aussi qu’il a une belle voix pour le chant.

Mais quelques escapades plus tard, ses absences scolaires furent découvertes et Tino reçut une correction fessière par son père dont il devait se souvenir longtemps… D’autant qu’un jour, Tino, que sa mère envoya faire une course en ville, se sauva à nouveau dans les montagnes avec les muletiers, que ses parents lui avaient pourtant interdit de fréquenter, et tomba alors en admiration devant un nid d’hirondelles dont la mère donnait la becquée à ses quatre petits… Et en oublia de faire la course due…

Rentré bredouille à la maison, sa maman le gronda autant pour avoir oublié la course qu’à être parti une fois de plus avec ces muletiers « qui ne sont bons qu’à chanter à longueur de journée »… Puis elle se ravisa en lui disant calmement : « puisque tu n’es bon à rien d’autre, essaye donc d’endormir ta petite sœur Laurence. »

En effet, la plus jeune sœur de Tino, encore nourrisson, a un très mauvais sommeil, elle pleure souvent, elle est assez pénible… Le soir même de cet épisode, dès l’âge de 7 ans, Tino chante des berceuses à sa plus jeune sœur Laurence, pour  l’aider à s’endormir… Avec succès !

À l’âge de dix ans, Tino déclare pour la première fois à son père : « Je serai chanteur ! ». Déjà à cette époque, Tino chantait tout le temps, se rappelle quelques années plus tard son père…

Grâce à l’euphonie innée de sa voix, Tino est très demandé pour chanter au Bar André, à Ajaccio, avec des camarades.

À l’âge de 12 ans, pour les élections législatives et municipales qui se tiennent les 16 et 30 novembre 1919 et le 7 décembre 1919 , Tino Rossi est même demandé par ses camarades pour venir chanter des sérénades dans des réunions politiques…

Au printemps 1925, encore adolescent, il casse sa tirelire et prend le bateau pour Niceà bord du Cyrnos, avec une bande de copains, pour voir au moins une fois dans sa vie à quoi ressemble « le Continent », court voyage de deux jours qui ne le laissera pas indifférent.

En été 1925, à l’âge de 18 ans, il rencontre à Ajaccio Anne-Marie Mornand (23 janvier 1907 – 30 avril 1981), l’une des cinq violonistes venues donner un concert à la terrasse du Café Napoléon au cours de cet été, sur le cours ajaccien du même nom. Il en tombe fou amoureux, part avec elle sur la Côte d’Azur s’installer à Menton.

Ci-contre : Constantin Rossi, jeune adulte de 18 ans, vers 1925.

Photographie X – Coll. C. R-V.

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Dans la foulée, Tino est appelé sous les drapeaux en 1926. Il est incorporé le 19 mai 1927 dans le 25ème bataillon de Chasseurs Alpins basé à Menton (témoignage audio de Tino). Réformé temporaire le 21 juin 1927 à Nice, il est définitivement réformé le 13 février 1930 à Toulon.

Le 22 septembre 1927, il épouse Anne-Marie Mornand à Toulon, au cours d’une cérémonie discrète. En effet, il devient 4 mois après la fin de ses obligations militaires le jeune père d’Yvonne Eugénie Rossi, dite Pierrette (5 novembre 1927, à Toulon (83) – 5 décembre 2010 à Toulon (83) ; mariée le 4 juillet 1950, à Paris, avec M. Abdalla Kanaa dont elle divorcera le 8 juillet 1964)

Quand Tino retourne à la vie civile à la mi-1927, il a du mal à trouver un travail stable à Toulon et n’a d’autre solution que retourner en Corse en espérant que son épouse finisse par le rejoindre.

Mais Anne-Marie ne le rejoindra jamais en Corse… Avec tous ses engagements, ses départs en tournée pour ses concerts, Anne-Marie demande rapidement le divorce qui sera prononcé le 10 juin 1929.

De retour à Ajaccio, et après cette épreuve personnelle, le voici, pistonné par les relations de son père, engagé comme changeur au casino.

Tino se liera rapidement avec la brune secrétaire du directeur, Faustine Fratani (27 décembre 1912 – 26 septembre 1985) avec qui il vivra maritalement durant 5 ans avant de l’épouser le 29 septembre 1934. Ils divorceront le 22 février 1938.

Mais Tino Rossi ne se plaît pas au Casino dans ce travail de routine. Au même titre que Tino Rossi n’a jamais voulu suivre la voie tracée par son père, de devenir tailleur, il avait envie d’autre chose…

Aussi, entre la fin 1929 et le début 1930, Tino quitte la Corse avec sa compagne Faustine pour venir tenter sa chance sur le continent.

  • Fait ultérieur du destin, le casino d’Ajaccio brûlera le 17 novembre 1930… Comme quoi, la voie du Casino d’Ajaccio n’était définitivement pas la bonne pour Tino… Le sinistre, d’origine criminelle, détruit toutes les salles de jeu. Cinq bidons d’essence seront retrouvés dans les décombres, dans la salle du baccara.

Nouveau départ pour le continent dans l’espoir d’une embauche au casino d’Aix-en-Provence en tant que travail de subsistance.

Les recommandations du premier adjoint au maire de la ville, un ami de la famille Rossi, restant sans résultat, le couple s’installe à Marseille dans une chambre miteuse au 6ème étage d’un immeuble du quartier des Réformés, en haut de la Canebière. De repas trop légers en boulots trop temporaires (voiturier, plongeur, portier de boîte de nuit…), Tino Rossi traverse les mois les plus pénibles de sa vie ; sa réussite et sa pudeur l’empêcheront de les détailler… Mais c’est sa compagne d’alors, Faustine Fratani, qui fait bouillir la marmite, grâce à l’emploi de secrétaire dactylo qu’elle a pu trouver.

  • Nous savons seulement que parmi ses petits-boulots, un jour, par désespoir, Tino dut offrir ses services à un patron de restaurant, installé aux allées de Meilhan, qui l’embaucha en tant que plongeur… Il n’y travailla qu’une seule journée, et le soir venu le patron lui déclara : « Vous n’avez pas « La Manière », vous n’avez pas attrapé « le truc »… « Vous m’avez l’air bien brave, mais je ne peux pas vous garder »... Le patron « le trouvait triste »…

Alors, certains soirs, à Marseille, Tino Rossi se retrouve à chanter spontanément et par plaisir dans des bars du centre ville les airs de son île aux Corses présents… Et même les non-corses aiment bien l’entendre chanter…

Pourtant, un fois, Tino refusera une première chance offerte par le destin. Un soir, alors qu’il avait chanté pour des collègues corses pendant plus de deux heures dans un bar marseillais du cours Belsunce, le patron, très impressionné par la qualité de son chant lors de ce concert improvisé, retient Tino et lui propose de l’embaucher immédiatement pour remplacer son chanteur-musicien habituel (payé 80 francs par soirée) tombé malade… Tino reste bouche bée. Il lui est impossible de parler… Rien que le fait de penser à chanter pour un public le paralyse et l’angoisse lui tenaille l’estomac. Le patron insiste et lui propose 100 francs par soirée, une somme importante pour l’époque, payée chaque soir sans délai !

Aussi incroyable que cela puisse paraître, Tino refuse catégoriquement l’offre et laisse passer sa chance, la chance de pouvoir chanter et d’être entendu régulièrement… La chance de pouvoir être découvert !

La raison est simple et difficile : Tino, alors âgé de seulement 22 ans, est encore d’une timidité maladive… Il a tout simplement peur de se retrouver sur une scène, face à un public d’inconnus… En effet, s’il sait chanter en comité restreint pour des amis, il est alors incapable de s’exposer sur une scène…

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Tino « Chanteur de charme »

En 1930, Tino Rossi, lassé de Marseille et de ne point trouver d’issue favorable à sa situation, s’installe désormais à Aix-en-Provence. Il s’y rendra à pied de Marseille… Il chante toujours pour les copains, les étudiants corses de la faculté de droit d’Aix (Raymond Filippi, Dominique Stefanaggi, Alfred Albertini, Jean Orsoni…) qui se retrouvent le soir au Café du Terminus… Son talent pour le chant est réellement apprécié par ses collègues, futurs ténors du barreau ou magistrats de renom lors de ces soirées qui sont ses seules consolations et sa seule évasion d’une vie si dure, avec les projections au cinéma des films de Marcel Pagnol…

D’ailleurs, c’est au Terminus qu’il croise le baryton-basse provençal Adrien Legros (1903-1993) qui le remarque, lui donne des conseils pour mieux respirer et poser sa voix. Tino ne l’oubliera jamais ; il enregistrera même un 78 tours avec lui quelques années plus tard… (cf. discographie 78 Tours – DF1443 – en 1934).

Tino Rossi essaye régulièrement de se faire engager par le Casino d’Aix-en-Provence, où, à chaque fois, on lui répond « ni oui, ni non »… En attendant mieux, pour subsister, il se fait embaucher en tant que figurant pendant les fêtes du carnaval d’Aix-en-Provence (au mois d’Avril). Il est figurant avec un costume de favouille sur un char en carton-pâte… Puis, dès le lendemain, il se lance comme marchand de confettis avec ses autres collègues figurants, pour tenter de tripler leurs gains, en achetant 100 kg de confettis et en escomptant les revendre au détail aux jeunes filles venues voir le spectacle… Opération qui se révélera un désastre financier… En effet, alors que les jeunes filles se mirent à lancer les confettis sur les jeunes figurants, et ceux-ci, en ripostant, dilapidèrent le stock à vendre au cours d’une bataille générale de confettis !

Alors qu’un jour Tino Rossi chante encore une fois pour ses collègues du Café du Terminus, un pianiste du coin, Marcel Vadon, le repère. Il avertit en douce un impresario local et fin diseur à ses heures qu’il connaît bien pour participer à ses tournées dans le Pays d’Aix… Il s’agit du producteur de tournées Louis Allione, dit « Petit-Louis » (dont sa présence dans les environs d’Aix est attestée depuis au moins Janvier 1924Il serait natif de Lauris (84))

Grâce à Marcel Vadon, Petit-Louis et Tino Rossi se rencontreront au Casino d’Aix-en-Provence, casino où Tino Rossi essaye périodiquement de se faire embaucher en y passant régulièrement aux nouvelles…

Tino Rossi croise donc, dans le Casino d’Aix, le fameux Petit-Louis, qui est reçu par la Direction du Casino avant Tino. Quand il en sort, c’est au tour de Tino Rossi d’être entendu… Comme à chaque fois, il n’est pas embauché… Tino Rossi ressort du restaurant particulièrement démoralisé mais Petit-Louis l’attend à la porte… Ils finirent la journée dans un bistrot, et c’est ainsi qu’à 2H00 du matin, après quelques verres d’alcool, Tino Rossi se mit spontanément à chanter, et là, Petit-Louis mesure immédiatement le potentiel de l’artiste en devenir…

Heureux coup du destin, Petit-Louis, qui remarque immédiatement son potentiel, lui propose de l’embarquer dans ses tournées avec succès, sur de petites scènes provençales, ou pour des fêtes votives, en le présentant, rien que cela,  comme « Le Roi des chanteurs de charme » !

Mais Tino Rossi est un grand timide… Il hésite, étreint une nouvelle fois par l’angoisse et la timidité, et il refuse… Petit Louis n’insiste pas, mais lui en reparle dès le lendemain, ainsi que les jours suivants… Aussi, après l’avoir travaillé au corps durant plusieurs jours, Petit-Louis lui propose-t-il, pour ne pas le brusquer, de commencer par un premier essai dans un petit village de l’arrière-pays provençal où personne ne le connaît, pour un tour de chant plutôt intimiste, dans une toute petite salle avec un public peu nombreux afin de pouvoir se tester face à un public d’inconnus… Tino, plutôt rassuré par cette proposition, finit par accepter. En matinée, avant la première représentation, Tino Rossi répète donc dans la salle de spectacle vide, en présence de Petit Louis et du pianiste Marcel Vadon, les deux titres prévus au programme, et tout se passe bien.

  • Le 14 septembre 1930 Tino Rossi va donc chanter pour la première fois de sa vie sur scène dans le village vauclusien de Lauris.
  • Le patron du Café Porte, Monsieur Bouquet, embauche la troupe de Petit-Louis ; à charge ensuite pour Petit-Louis de payer les artistes et d’organiser le spectacle. Le public vient alors dans la salle de danse attenante au Café Porte assister gratuitement au spectacle – La patron du café se rémunérant sur les consommations du public ainsi attiré par l’événement festif de fin de semaine…
  • Petit-Louis, chargé d’introduire le spectacle, lance alors à l’auditoire : « Tino Rooooossi ! Mon ami, Monsieur Tino Rossi ! »
  • Au moment de monter sur scène, Tino subit un blocage. Le trac l’a gagné, il est paralysé… La « petite salle » était pleine à craquer et accueillait tout de même 250 personnes !
  • Petit-Louis, ne se laissant pas démonter hurle à nouveau : « Voici Monsieur Tino Rooooossi ! Il est là ! »
  • Mais rien n’y fait. Tino reste pétrifié, glacé de terreur.
  • Le public commence alors à murmurer, rire, puis à s’agiter dangereusement pour un début…
  • D’un seul coup, Petit-Louis quitte la scène et vient saisir Tino par les épaules et le propulse littéralement sur la scène…
  • Tino se retrouve alors au milieu de la scène, scruté dans le moindre détail par un public à la curiosité amusée… Tino ne pense à rien, il ne voit plus rien, il a tout oublié, il est K.O debout…
  • Quand soudain le pianiste, Marcel Vadon, comprend ce qu’il se passe… Il tente alors le tout pour le tout : il entame au piano les premières mesures des Pêcheurs de perles de Bizet et machinalement, comme un robot, Tino se met à chanter sans trop se rendre compte de ce qu’il fait…
  • Tino Rossi commence son premier récital en public en chantant donc son premier titre… (Tino Rossi précise lui-même ce premier titre dans un entretien au magazine Confessions le 20 novembre 1936. Il faut préciser que des témoins âgés interrogés le 6 août 1984 à Lauris même par un administrateur du Club Tino Rossi – Jean Pichon, affirment que sa première chanson chantée était Souviens-toi (de Saint-Granier)… Il subsiste donc une légère incertitude…)
  • À la fin de l’air, Tino est ailleurs… D’un coup, le public exulte, se met à hurler dans tous les sens, à l’applaudir frénétiquement ! Tino reste prostré, tétanisé par cette pluie d’applaudissements. Il est en état de choc.
  • Alors, le pianiste entame dans la foulée le second morceau : Manon, le rêve des Grieux…  Et Tino de redémarrer machinalement et l’interpréter d’une voix de maître. Le miracle se produit : le public rural de Lauris tombe alors sous le charme de Tino. Les applaudissements redoublent ! Les hommes, fait exceptionnel, sont encore plus bruyants et allant que les femmes !
  • Tino Rossi commence à se reprendre… Il commence à se « réveiller »… Sortant de sa demi-inconscience, il réalise que quelque chose de spécial se produit. Une étrange chaleur l’envahit, telle qu’elle se produit lorsqu’un artiste entre en communion complète avec son public.
  • Le public lui réclame alors une troisième chanson. Mais Tino Rossi n’a rien préparé. Il est pris au dépourvu. Tino ne peut pas chanter autre chose. C’est Petit-Louis qui va rétablir la situation et prendre sur lui. Il monte sur la scène et déclare cérémonieusement  : « Monsieur Tino Rossi serait heureux de vous chanter autre chose. Malheureusement, ne prévoyant pas le succès qu’il obtiendrait ce soir auprès de notre estimé public, n’a rien préparé en bis… »
  • Un blanc dans le public clôt la déclaration de Petit-Louis...
  • Puis une voix véhémente monte du fond de la salle et jette ce coup de semonce : « Qu’il chante les mêmes ! ».
  • Petit-Louis, lui même désarçonné par cet oukase lointain, dit à Tino : « Tu as entendu ? Vas-y… »
  • Alors Tino s’exécute et rechante ses deux chansons. Le public l’applaudira à tout rompre reconnaissant en lui un chanteur de talent.
  • Cette première représentation publique aura jeté Tino Rossi dans le bain de la chanson et du monde du spectacle… Mais révélera aussi son trac maladif sur scène, issu de sa grande timidité… Il devra lutter contre  durant toute sa carrière.

Inventée pour Tino par Petit-Louis, qui qualifiait sa voix « de miel et de lait », l’expression « chanteur de charme » fera florès…

C’est à cette époque que Constantin Rossi prend son nom de scène Tino Rossi lors de son engagement par Petit-Louis, en se rappelant la façon dont l’évêque d’Ajaccio avait, en le bénissant lors de sa confirmation, détaché les syllabes de son prénom : Constant-tino.

Dans la foulée, Petit-Louis envoie Tino Rossi prendre quelques cours de chant classique chez M. Cazotte, professeur de chant à Aix-en-Provence. Quelques mois plus plus tard, estimant ne plus avoir rien à lui apprendre de plus, M. Cazotte le confie à M. Dominique Figarella, professeur de Chant à Marseille (Baryton émérite à l’Opéra-Comique de Marseille).

Et c’est ainsi que débute la carrière publique de Tino Rossi, sous la houlette bienveillante de son premier imprésario – Petit-Louis, qui l’amène ainsi chaque soir de village en village dans toute la Provence, devant des auditoires non prévenus ; et qui, chaque soir, recevait le même succès…

Ce qui fait que finalement, Tino Rossi en environ deux années, commencera à être connu de bouche à oreille en tant qu’artiste local dans tous les villages et les petites villes provençales.

Durant ces deux années de tournées provençales, il est payé 10 francs par jour, uniquement quand il se produit… Une somme dérisoire, même pour cette époque…

Un disque en fer blanc…

En 1932, à Ajaccio, Laurent Rossi, le père de Tino, apprend que son fils ne se destine pas à une carrière conventionnelle (dans l’administration, le commerce ou l’industrie, par exemple) mais à une carrière de chanteur…

Il déboule à Marseille par bateau (probablement en septembre) pour venir sermonner son fils sur place et lui demander de renoncer, arguant du fait que sa vie n’en serait que très dure, à chanter dans les rues pour subsister… Mais Tino s’oppose net à son père.

Un soir, toutefois, Laurent Rossi se décide tout de même à venir assister à une représentation donnée par son fils… À la sortie, il ne dira mot à quiconque de ce qu’il pense et de ce qu’il a ressenti ce soir-là…

  • – Le lendemain, Laurent Rossi parle à son fils. Il lui dit : « ce qui aurait été bien, c’est que les gens de chez nous puissent entendre ta voix et surtout ta mère. Ça la rassurerait. ».

Qu’à cela ne tienne… Peu après, tandis qu’ils arpentent tous deux la rue Saint-Ferréol, leur attention est attirée par une pancarte sur la devanture d’un magasin, tenu par le truculent Monsieur Mossé :        Enregistrez votre voix pour cent sous.

Il s’agit très-probablement du magasin ODÉON-OPTICAL, sis au 18, rue Saint-Ferréol, où l’on vendait des disques, des phonographes, des projecteurs Pathé-Baby, des récepteurs radios et des appareils photographiques… Ce commerce faisait paraître dans le journal Le Petit Marseillais, en 1931, l’annonce suivante : « Faites enregistrer votre voix ».

  • – Tino Rossi déclare à son père : « Je vais enregistrer une chanson corse et une chanson française et tu les emporteras à Ajaccio. Là, tu feras tourner tous les disques qui te tomberont sous la main et de temps en temps, tu écouteras le mien, parmi les autres, comme si je n’étais pas ton fils et tâcheras de te faire une opinion ».

Pour la somme de 5 francs de l’époque, Tino enregistre ainsi un disque monoface en fer blanc qu’il destine à sa mère, comme le fera vingt ans plus tard un certain Elvis Presley.

Tino enregistre a capella la chanson « Ajacciu Bellu » et comme il restait encore du temps, il complète le disque avec la chanson  « Souviens-toi » de Saint-Granier. (Nous ignorons ce qu’est devenu ce disque.)

Une fois le disque enregistré, Monsieur Mossé passe le disque au phonographe. Là, un autre individu, présent dans le magasin s’invite pour écouter ce disque et entame la conversation, comme un nouveau coup favorable du destin :

Ci-contre : un exemple de disque monoface en fer blanc similaire à celui enregistré par Tino Rossi à Marseille en 1932,

  • présenté par notre cher ami Jalal Aro, Directeur du Phonomuseum Paris, le Musée du Son Enregistré (53, boulevard de Rochechouart – 75009 Paris).

Photographie C. R-V. – 12 janvier 2024 – Coll. C. R-V.

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  • – « Qui a chanté ça ? Qui est cet oiseau rare ? »
  • – « C’est mon fils que voici » répond le père de Tino.
  • – « Votre fils a une voix ravissante. Mais est-ce qu’il ne chante vraiment qu’en italien ? »
  • – « D’abord, ce n’est pas de l’italien mais c’est du corse ! Et ensuite, mon fils est français et la preuve c’est que l’autre chanson du disque est une chanson française ! », ajoute le père de Tino, piqué au vif.

L’individu demande à réécouter attentivement le disque, tandis que son expression se fait de plus en plus admirative…

  • – Finalement, l’inconnu se présente : « Je suis l’Agent Général des Disques Parlophone pour le Midi de la France. »
  • – Il précise : « Cela vous plairait-il d’enregistrer pour nous ? » Tino crut à une plaisanterie…
  • – Puis d’ajouter : « Laissez-moi votre adresse et nous vous écrirons pour vous convoquer à Paris ».

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Ci-contre : seule photographie officielle de Tino Rossi en 1932 chantant pour les Disques Parlophone.

Photographie Brouchican – Aix-en-Pce. Coll. C. R-V.

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  • – Et là, Tino Rossi dans une réaction assez sèche déclara à l’Agent Général des Disques Parlophone, au lieu de le remercier : « En tout cas, Monsieur, ne me faites pas travailler des chansons pour rien… ».
  • – Et l’Agent Général de lui répondre : « Ne craignez rien, nous allons prendre rendez-vous tout de suite, et vous recevrez notre courrier rapidement. »

Nota 1 : il convient de noter que Tino Rossi a enregistré deux prises pour chaque chanson pour son premier disque Parlophone. C’était en général cette procédure de sécurité qui était appliquée. Ensuite, le service artistique choisissait la meilleure prise, qui partait alors en production. Fait remarquable concernant ce disque, ce sont, pour les deux titres, les secondes prises qui furent adoptées.

  • Préférant la vérité à la romance, nous précisons ceci car une légende affirme que Tino Rossi réussissait dès la première prise ses enregistrements du premier coup.
  • Cette affirmation enjolive la vérité. En revanche, si Tino Rossi était meilleur que la moyenne, c’était en général sa première interprétation qui était jugée la meilleure… Mais sauf rare exception, il existait bel et bien une seconde prise pour chaque titre.
  • En effet, l’on profitait de faire une seconde prise d’affilée, profitant de la présence de l’orchestre et des techniciens dans le studio d’enregistrement… Simple bon sens prudentiel…
  • L’ingénieur du son Parlophone, une fois les enregistrements des deux chansons terminés, lui demanda s’il avait d’autres chansons à enregistrer ! sur ce Tino Rossi lui répondit : « Non, désolé, je n’ai appris que ces deux là » Et l’ingénieur du son de lui répondre : « Dommage, car le résultat est vraiment très bien ».

Nota 2 : lorsque Tino Rossi s’installa définitivement à Paris et devint la vedette Columbia que l’on sait, il essaya de retrouver l’excellent guitariste napolitain d’environ 70 ans croisé dans les rues de Montmartre pour l’engager durablement, mais ne put jamais y remettre la main dessus.

  • Peut-être décéda-t-il entre-temps, vu son âge ?
  • Quoi qu’il en soit, le guitariste laissa au monde son seul testament musical connu, sur un disque Parlophone.
  • À contrario de la mention sur les étiquettes du disque Parlophone, il n’y avait qu’un seul guitariste qui accompagna Tino Rossi à ses débuts.
  • Tino Rossi précise d’ailleurs que le vieux guitariste napolitain l’avait accompagné sans partition, à l’oreille, en suivant sa voix…

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Encore quelques derniers spectacles de Tino Rossi à Aix-en-Provence « dans la vie d’avant…»

  • Le 31 juillet 1932, soirée de gala à Aix-en-Provence pour les fêtes du quartier Sainte-Anne, à l’Olympia, cours Gambetta : sélection d’airs d’opéra et de music-hall, avec le concours d’Adrien Legros – de l’Opéra de Marseille,  le ténor Cayol, le baryton Guirand, la danseuse étoile France Wilhem, les comiques Riozet et Marignane, le ténorino Tino Rossi et Mlle Syrelys.
  • Le 7 août 1932, il est joué à Aix-en-Provence l’opérette Fleur de Provence, pour la fête de Sainte-Anne, au Café de Nice, avec  Adrien Legros, Mlles France Willem et Sirelys, les comiques Riozet et Marignane, le baryton Guirand et le ténorino Tino Rossi….
  • Le 21 août 1932, kermesse à Aix-Les-Milles, à l’École Libre, organisée par Petit-Louis et sa troupe. Concert symphonique, etc.
  • Le 17 décembre 1932, il est donné à Aix-en-Provence, au Palais de la Bière, un gala organisé par l’Amicale Corse d’Aix où se produit notamment Tino Rossi, qui y interprète Quand reviendront les hirondellesSouviens-toi (de Saint-Granier) et son dernier succès enregistré sur disque Parlophone : O Ciuciarella.
    • Dans La République Aixoise du 24 décembre 1932, le compte-rendu de ce spectacle signale, comme prophétique : « M. Tino Rossi est un excellent artiste. Il a chanté de toute son âme ; et c’est toute la vie rustique et simple des campagnes corses qui passe dans sa voix ».
  • Les 25 et 26 décembre 1932, il est donné à Aix-en-Provence, au théâtre municipal, la Grande Pastorale Provençale jouée par des acteurs locaux, plus ou moins connus du public aixois et des environs : Petit-Louis (le chef de la troupe), les barytons Guirand et Criscuolo, Robert Legros (frère d’Adrien), le ténorino Tino Rossi, Mlles Sirelys et Lise Dullac et les comiques Marignane, Montel, Freddys, Dorville… L’orchestre est dirigé par Marcel Vadon. Tino Rossi y interprétera Veni d’Oousi, le Grand Air de Pastorale, en provençal, ainsi qu’un autre air en provençal sur les motifs de l’Aubade du Roy d’Ys.

Cette pastorale sera l’un des derniers spectacles donné en tant que vedette locale par le ténorino Tino Rossi… Car bientôt, l’appel de la célébrité va retentir…

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En 1933, les événements s’accélèrent…

Au tout début de cette année naissante, après les fêtes de fin d’année, en plein hiver, c’est la période creuse. Ainsi, pendant deux mois, en Janvier et Février 1933, la troupe de Petit-Louis donne des spectacles de rues dans Marseille même, dans les rues adjacentes au Cours Belsunce. Le public local est rapidement enchanté par la prestation de Tino et les oboles pleuvent. Il n’y a qu’à se baisser pour les ramasser.

La présence dans les rues de Marseille d’un chanteur particulièrement doué finit par remonter jusqu’aux oreilles du Directeur de l’Alcazar – M. Justin Milliard, la salle de spectacle la plus réputée de Marseille. Ainsi, celui-ci assiste-t-il incognito à ces spectacles de rues et découvre par lui-même « Le » talent…

  • Le 15 janvier 1933, la troupe de Petit-Louis, dont Tino Rossi fait alors partie, joue La Pastorale à Velaux, à proximité de Marseille.
  • Le 18 février 1933, Tino Rossi participe à un concert radiodiffusé en direct sur le poste Marseille PTT (316 mètres), où il interprète Nini-Nanna et O Ciuciarella, accompagné par le duo des frères guitaristes Jean et Paul Bozzi ; Tino interprète ensuite, accompagné par Edmond Méradou et son orchestre les titres suivants : Vous ! Qu’avez-vous fait de mon amour ; Je t’ai donné mon cœur ; Les millions d’Arlequin.

Petit-Louis est, à cette époque, déjà bien conscient du talent hors-norme de Tino Rossi, et c’est tout naturellement qu’il accepte l’évolution qui s’offre à Tino… En effet, Justin (Tintin) Milliard convoque Tino Rossi dans ses bureaux et lui propose un engagement de 7 jours à l’Alcazar de Marseille à partir du 3 mars 1933, « en qualité de ténorino » pour quatorze représentations avant de passer sur une autre scène mythique de la ville, le Théâtre des Variétés.

Le public de l’Alcazar de Marseille est alors nationalement connu par tout le music-hall comme étant le public le plus dur et le plus intransigeant de France. En effet, les gens amènent même les tomates pour chasser les impétrants dépourvus de talent…

  • Du 3 au 9 mars 1933, Tino Rossi est engagé à l’Alcazar de Marseille. Le 3 mars 1933, dès la première du Gala de la Chanson à l’Alcazar de Marseille, le talent aidant, Tino rencontre dès le départ un vif succès et échappe ainsi à la séquence « jeter de tomates ». Bien au contraire, le public le rappelle chaque soir !
  • Le 3 avril 1933, Le Grand Gala des Vedettes, organisé par MM. Milliard et Robert-Trébor, se produit à Toulouse, au Théâtre des Nouveautés. En vedettes principales, sont présents la chanteuse réaliste Berthe Sylva, les fantaisistes Cherry Kobler et Darcelys ainsi que le baryton Grandini. En vedettes additionnelles, sont présents le ténorino Tino Rossi, la chanteuse Geneviève Irvin ainsi que des acrobates.

Ci-dessus : portrait promotionnel réalisé à Toulouse, lors de son passage dans cette ville.

Photographie Brunerie Frères – Avril 1933 – Coll. C. R-V.

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  • Le 20 mai 1933, Tino Rossi est engagé, pour la somme de 270 francs, pour 2 représentations à Sète le 25 mai 1933, au Casino-Kursaal.
  • Le 29 mai 1933, Tino Rossi participe, à Aix-en-Provence, au Casino Municipal, à une conférence dirigée par M. le Pr. Paul Arrighi suivie d’un gala de chansons corses.
  • Le 3 juin 1933, Tino Rossi participe à un concert radiophonique organisé par le Groupe Littéraire et Artistique Corse Kallisté, présidé par M. le Professeur agrégé d’université – Paul Arrighi, sur le poste Marseille-PTT, où il interprète trois chansons : U core un po’ stanca (jamais enregistrée), Canzona di u cucu (enregistrée ultérieurement) et enfin Nini-Nanna . Tino est accompagné par son guitariste attitré M. Paul Bozzi. Le chef d’orchestre est un certain Xavier Tomasi, probablement le frère de Henri Tomasi. Tino Rossi y est présenté comme « ténorino des principaux concerts », 6 mois à peine après son premier passage à la radio.

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Le contrat de sa vie avec Columbia

Vient rapidement le tour de la maison de disques Columbia de s’intéresser à lui. En effet, dans le petit milieu de la musique et du disque, tout finit par se savoir… Les gens s’informent, se tiennent au courant de tout ce qu’il se passe chez les concurrents…

À Ajaccio, un représentant des Disques Columbia entend le disque Parlophone du petit corse joué en boucle dans le magasin de musique Minighetti et avertit sa direction dès son retour à Paris… En effet, le disque Parlophone de Tino Rossi se vend dans les rues d’Ajaccio, grâce à la promotion du magasin de disques, et rencontre alors un grand succès local. À Paris, un certain Jean Bérard, Directeur des Disques Columbia, tombe immédiatement en admiration en écoutant le Parlophone du petit corse…

En 1933, Columbia lui adresse donc, au début du mois de Juin, une proposition de contrat intéressante autant pécuniairement qu’artistiquement.

  • En effet son très dynamique Directeur Jean Bérard est un pionnier dans le domaine novateur de la publicité, appliqué au monde du disque ; la maison Columbia est une maison jeune et dynamique.
  • Jean Bérard propose l’enregistrement garanti chaque année de 6 disques 78 tours (soit 12 chansons).
  • De surcroît, Columbia est à cette époque la maison de disques étant équipée des meilleures machines d’enregistrement en studio, avec les meilleures machines à graver et les meilleurs équipements électriques d’amplification.
  • Et dès Janvier 1934, Columbia sera la première maison en France à recevoir les microphones à ruban à la sonorité totalement naturelle, en remplacement des microphones à charbon légèrement nasillards.
  • Cet intérêt pour la qualité des matériels est de la volonté expresse de M. Jean Bérard et constitue un atout majeur dans la qualité de la restitution sonore des voix…

Toujours au mois de Juin 1933, Tino Rossi revient à Paris pour rencontrer M. Jean Bérard au siège de la Columbia, rue d’Angoulême. Celui-ci convainc Tino qu’il peut l’aider à lancer sa carrière grâce à ses méthodes de promotion modernes.

  • Au cours de ce rendez-vous, Jean Bérard avertira Tino en des termes clairs et sans équivoque : « Je vous demande une option, et, à la levée de celle-ci, une exclusivité complète. Sommes-nous d’accord ? »

Après cette entrevue, Tino Rossi ne signe pas immédiatement. Il prend son temps. En effet, il a demandé un délai de réflexion avant un éventuel engagement.

Il retourne donc dans les Bouches-du-Rhône à l’issue de ce rendez-vous prometteur.

  • Le 24 juin 1933, Tino Rossi participe, en tant que ténorino, à une soirée régionaliste corse donnée dans la salle municipale au 50, rue des dominicaines à Marseille. Il y interprète des chansons corses. Il s’agit très probablement de son dernier spectacle avant qu’il ne signe chez Columbia.

Après mûre réflexion et au vu des perspectives, Tino Rossi choisit alors de s’engager chez Columbia, nonobstant une contre-proposition des Disques Parlophone ne voulant pas le laisser partir, un pont d’or : 12 disques garantis par année (soit 24 chansons) à 1.000 francs par disque ! Ainsi que des propositions tout aussi mirobolantes de la part des maisons Pathé, Gramophone et Odéon.

  • Nota 1 : en Décembre 1932, la maison Parlophone n’ayant pas proposé de contrat à Tino Rossi, celui-ci, sans engagement, restait alors libre de signer ailleurs.
  • Nota 2 : Tino Rossi signe donc chez Columbia nonobstant qu’il y était moins rémunéré que partout ailleurs ; mais il explique avoir tout de suite « senti » favorablement Jean Bérard et avait eu immédiatement confiance en lui. De plus, Tino avait remarqué que les plus grandes vedettes du moment étaient presque toutes chez Columbia.
  • Nota 3 : de 1934 à 1937 inclus, les ventes de disques du seul Tino seront supérieures à toutes les ventes cumulées des autres artistes de la maison de disques Columbia.

Une fois signé le contrat avec la Columbia dans le courant du mois de Juin 1933, Tino Rossi s’installe définitivement à Paris à la fin du mois de Juin 1933 en louant un studio au 16 bis, rue Hélène (17e).

Parallèlement, Tino Rossi réussit à se faire engager comme simple Boy au Casino de Paris, ce qui lui permettra de s’assurer un revenu modeste mais régulier pendant quelques mois.

  • Il participe alors, en anonyme, aux divers numéros des revues qui y sont données, en qualité de simple figurant faisant partie du décor pour de célèbres vedettes du spectacle.
  • Tino Rossi qualifiera plus tard cet ancien travail de mécanique, répétitif, harassant voire déprimant, mais lui ayant appris les coulisses des métiers du spectacle.

Tino Rossi enregistre le 3 juillet 1933 ses deux premiers 78 tours (soit 4 titres) sous le nouveau label Columbia. Il s’agit de 4 mélodies Corses :

  • Berceuse,
  • A Rustaglia,
  • Ajacciu bellu,
  • Canzona di u cucu.

Il est accompagné par le célèbre Trio de Guitares Corses Agostini.

Ci-contre sont éditées à la même époque les premières cartolines publicitaires des Disques Columbia à l’effigie de Tino Rossi (Photographie Arnal – 1933 – Coll. C. R-V.)

Ces deux 78 tours Columbia sont commercialisés en Octobre 1933.

Ci-dessus : extrait du supplément des Disques Columbia n°80 d’Octobre 1933 – Coll. C. R-V.

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Ci-contre : test-pressing (édité DF1296) de la première chanson enregistrée par Tino Rossi sur Disques Columbia.

À noter que le test-pressing est signé de la main de Tino Rossi, autorisant l’édition de l’œuvre par l’interprète, comme il est d’usage au début des années 1930.

(Coll. C. R-V.)

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Tino Rossi enregistre aussi, en français, le 8 juillet 1933 La Sérénade de Toselli (première version demeurée inédite jusqu’à présent), ainsi qu’une très jolie chanson ancienne romantique : Quand reviendront les hirondelles. Ces deux versions d’ailleurs resteront inédites.

Ci-contre : Test-pressing inédit (non validé) de la Sérénade de Toselli, enregistrée le 8 juillet 1933.

Pourtant, l’interprétation y est émouvante et l’accompagnement de mandolines excellent et complètement original.

Un nouvel enregistrement réalisé en 1938 sera, lui, édité : c’est celui que tout le monde connaît…

(Coll. C. R-V.)

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Ci-dessus : cartoline grand format des Disques Columbia avec Tino Rossi présentant pour une très rare fois, son profil droit.

  • Celle-ci fut dédicacée par Tino Rossi à M. François Minighetti (disquaire à Ajaccio), le 4 août 1933.

Photographie Arnal – 2ème semestre 1933 – Coll. C. R-V.

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Ci-dessus : la toute première photographie sur cartoline grand format utilisée par Columbia dans ses catalogues de disques (Supplément Columbia N°82 de Décembre 1933).

Photographie Arnal – 2ème semestre 1933 – Coll. C. R-V.

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Il est un fait remarquable que dès ses débuts, partout où Tino passe et où on l’entend en gala ou à la radio, alors qu’il n’est pas encore célèbre, les « témoins » veulent tous posséder ses disques. Tino est vendeur. Tino vend du disque. D’ailleurs, il sera surnommé plus tard Le Napoléon du 78 tours, à juste titre.

Tino Rossi est d’abord une voix, mais surtout des harmoniques. Des harmoniques si particulières que le public conquis veut repartir chez lui en possédant copie de cette voix peu ordinaire…

Dopé par ses premiers succès, Tino Rossi, classé « Chanteur », est également inscrit à la rubrique « Ténor » dans les catalogues des disques Columbia des années 1930 répertoriant les interprétations classiques.

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  • Il convient d’insister sur le fait que Tino Rossi, au tout début de sa carrière, se construit une réputation uniquement en raison de sa voix si singulière, combinée à la maîtrise de son chant d’une manière intuitive qui lui est toute personnelle.
  • A contrario de ce que moult personnes croient savoir, Tino Rossi ne construit ni sa carrière, ni sa célébrité, grâce à son physique avantageux ou son joli minois. Son apparence ne l’aidera qu’ultérieurement, à partir de la sortie du film Marinella en 1936 où il apparaîtra dès lors massivement sur tous les écrans cinématographiques de France.
  • Pour preuve, son succès massif persistera de manière continue même une fois sa jeunesse passée, nonobstant l’apparition d’un embonpoint ventral devenu légendaire aux lèvres des chansonniers français les plus acerbes, tout cela en raison de l’unicité de sa voix.
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Tino… Révélation de l’année 1934

En 1934, à partir de cette année-là, Tino Rossi va désormais enregistrer en son nom seul – et seulement – des chansons entières… (à l’exception notable de deux titres (Un tango pleure & Apprenez-moi des mots d’amour) où il officie pour la dernière fois en tant que « Refrain Chanté »).

Tino Rossi multiplie alors les enregistrements à succès de tous les styles tels que :

  • J’ai rêvé d’une fleur (opérette),
  • L’Aubade du roi d’Ys (classique),
  • Parlami d’amore Mariu (Bel canto),
  • Venise et Bretagne (chanson),
  • Près de la cascade (musique de film musical) …

Venise et Bretagne bercera d’ailleurs l’enfance très francophile de la Reine de Grande-Bretagne et d’Irlande-du-Nord Elizabeth II, élevée par une nourrice française…

Ci-dessus : premier supplément-catalogue des Disques Columbia n°87 – Mai 1934, où Tino Rossi fait la couverture. (Coll. C. R-V.)

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  • Le 6 janvier 1934, Tino Rossi chante au Grand bal de nuit annuel pour les Orphelins de l’Aviation, placé sous le haut-patronage du Ministre de l’Air, au Cercle National des Armées, place Saint-Augustin à Paris, où il remporte un grand succès. Participent aussi à la soirée le baryton Marcel’s, le ténor Miguel Villabella, le chanteur Jean Sorbier…
  • Le 10 janvier 1934, Tino Rossi participe à une soirée music-hall présentée par R-P Groff, avec Chef d’orchestre Armand Bernard, en direct au poste Paris-PTT.
  • Les 13 et 18 mars 1934 et le 9 avril 1934, Tino Rossi interprète ses chansons corses tirées de ses deux 78 tours Columbia en corse à la radio, sur le Poste-Parisien.
  • Le 22 mars 1934, Conférence Charles Cros à Paris, au Théâtre des Champs-Élysées avec Georges Thill, Germaine Martinelli, Damia, Gilles et Julien, Raphaël Médina… En plus de promouvoir l’industrie du disque et spécialement de la Columbia, ces conférences servent aussi la notoriété des vedettes.
  • Le 9 avril 1934, Tino Rossi et Lys Gauty sont en gala sur la radio Le Poste Parisien, accompagnés par l’orchestre cubain Oscar Callé, du Mélody’s.

Que ce soit, dans les spectacles donnés dans les salles, que ce soit à la radio ou que ce soit sur ses premiers enregistrements, le succès rencontré par M. Tino Rossi s’avère prometteur.  De plus, un courrier abondant commence à arriver chez Columbia.

En Mars 1934, Jean Bérard rencontre à nouveau Tino Rossi et lui déclare : « Ce n’est pas tout d’éditer des disques. Il faut aussi vous faire connaître. J’organise le mois prochain une grande tournée Columbia dans les principales villes de France. J’amène Gilles et Julien, et Damia. Vous partirez avec eux. Je vous offre ainsi une chance. À vous de perdre ou de gagner.»

En effet, la firme comprend qu’elle tient un oiseau rare et l’intègre alors dans sa première tournée du 28 avril au 17 mai 1934 avec Damia et Gilles et Julien, accompagnés du pianiste Marcel Gaveau.

  • Tino Rossi passe notamment à Lille le 28 avril 1934 ; à Orléans le 29 avril 1934 au théâtre municipal ; à Troyes le 30 avril 1934 au Cirque Municipal ; à Rennes le 3 mai 1934 au Royal ; à Angers le 4 mai 1934 au Grand Théâtre, à Versailles le 6 mai 1934 au Théâtre Municipal, à Rouen le 11 mai 1934 au Théâtre des Arts, à Amiens le 12 mai 1934 au Théâtre Municipal où il reçoit toujours un excellent accueil.
  • Tino Rossi interprète notamment Le Tango de Marilou ; Près de la cascade et Maître Pathelin. Sa prestation dans Manon – le rêve de Des Grieux est remarquée.

Damia sera également d’une grande aide pour Tino. Au cours de cette tournée, qui commençait dans la ville de Lille, la Tragédienne de la Chanson, comme on l’appelait alors, lui prodigua beaucoup de conseils sur la manière de se tenir sur scène, notamment ne pas multiplier à l’excès les gestes, comme il en était sérieusement usé et abusé à cette époque – les gesticulations outrancières étaient alors très en vogue – .

Damia lui conseilla cette forme de retenue (certains dirons : de raideur) à laquelle Tino se conformera sur scène toute sa vie.

  • Dans les dernières années de la vie de cette ancienne vedette, c’est Tino qui honorait discrètement les loyers de Damia alors dans le besoin, par reconnaissance.

Un nouvel établissement de music-hall ouvre en 1934 à Paris, il s’agit de l’A.B.C. Les duettistes Gilles et Julien y sont engagés avec d’autres vedettes, tel Doumel, Edmée Favart, Jean Marsac, Paul Colline, pour deux semaines. Grâce à leur intervention auprès du Directeur de ce nouvel établissement – M. Mitty Goldin, Tino Rossi y est engagé aussi et inaugurera donc ce nouvel établissement.

  • Du 1er au 15 juin 1934, Tino Rossi chante à l’A.B.C de Paris qui vient juste d’ouvrir. Tino y chante en smoking. Il y rencontre un certain succès, notamment avec son Tango de Marilou et D’une gondole et à chaque fin de représentation, ses disques se vendent comme des petits pains et se dédicacent à la chaîne. C’est d’ailleurs Jean Bérard qui livre lui-même les piles de disques à l’A.B.C…
  • Toutefois, le triomphe de Tino Rossi sur scène n’est pas total. Il est mitigé. Mitty Goldin confie alors à Tino Rossi que cela ne vient pas de la qualité du chanteur ou du tour de chant, mais de sa présentation… Il pense que le costume smoking ne convient pas à ce type de spectacle, et que cela refroidit les ardeurs du public. Goldin suggère qu’il faut trouver un autre costume, qu’il faut chercher autre chose…

Ci-dessus : Tino Rossi au début 1934 lorsqu’il chante encore en smoking dans ses premières tournées en tant que chanteur qui commence à être connu.

Photographie Arnal – 1934 – Coll. C. R-V.

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  • Le 18 juin 1934, avec Damia + Gilles et Julien, Tino Rossi est diffusé en radio, sur le Poste Parisien, et étend son répertoire en chantant : Près de la cascade ; Un soir… Pas d’avantage Vous… Qu’avez-vous fait de mon amour ? et D’une Gondole… Accompagné par l’orchestre Maurice Alexander.
  • Le 20 juin 1934, Tino Rossi participe au dîner de charité donné pour « Les Amis des Tuberculeux », à Paris. Tino clôt le spectacle par ses interprétations qui, il est vrai, ont le don de faire oublier toutes les misères de la vie.
  • Du 22 au 28 juin 1934, Damia, Gilles et Julien, le pianiste Marcel Gaveau et Tino Rossi (la révélation de l’année) sont en gala à Lyon, au Cinéma Pathé-Natan. Tino y interprète notamment : Vous, qu’avez-vous fait de mon amour ?
  • Le 16 juillet 1934, Tino Rossi, une nouvelle fois à radio sur le Poste Parisien, interprète cette fois-ci un récital de chansons napolitaines et italiennes (domaine où il excelle aussi), accompagné de la grande mandoliniste confirmée Maria Scivittaro et de la violoncelliste Marika Bernard.
  • En Août 1934, Tino Rossi participe avec Marianne Oswald (vedette principale), Robert Burnier et Claude Pingault à une tournée de deux semaines dans les villes d’eaux telles que Nice, Juan-les-pins, Cannes, Nice, Bandol, Arcachon, Deauville… Lausanne le 7 août 1934, Genève le 8 août 1934, Vichy le 10 août 1934, Brides-les-bains le 12 août 1934, Chamonix le 13 août 1934, Aix-les-Bains le 14 août 1934, La Baule le 20 août 1934, Biarritz le 23 août 1934…

Ci-dessus : célèbre cartoline grand format de Tino Rossi avec guitare et costume corse, utilisée par les Disques Columbia.

Photographie Arnal – 1934 – Coll. C. R-V.

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Ci-dessus : la plus petite photographie du monde, de Tino Rossi avec guitare et costume corse, utilisée par les Disques Columbia.

  • Véritable photographie, avec bords dentelés, comme s’il s’agissait en fait d’une vignette. Quant à son utilisation, elle n’est pas encore établie.

Photographie Arnal – 1934 – Coll. C. R-V.

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  • Le 30 juillet 1934, Tino Rossi est engagé en tant qu’artiste au Casino de Paris en vue de participer à la prochaine revue Parade de France, par Henri Varna son Directeur.
    • Il est détecté par un librettiste très connu alors : Marc Cab – qui encourage Henri Varna à l’engager.
    • Le jour de l’audition d’engagement, Albert Carré est présent. Il raconte dans son livre intitulé «souvenirs de Théâtre» son déroulement : « Je me souviendrai toujours de cette audition. D’un bout à l’autre de l’immense théâtre, dans tous les coins de la scène, de la salle, du grand hall, chacun s’activait, danseurs, chanteurs, acrobates, musiciens répétant, décorateurs, machinistes, électriciens installant des pans de décor, le tout dans un vacarme indescriptible. Le jeune chanteur, gauche comme on peut l’être quand on débarque à Paris, s’avança sur le devant de la scène. « Je vous écoute », lui lança Varna. Dès qu’il ouvrit la bouche – et pourtant sa voix était rien moins que forte – le silence se fit partout. Comme dans le château de la Belle-au-bois-dormant, tous s’arrêtèrent instantanément de travailler pour mieux écouter, et , une fois la chanson terminée, comme si l’on avait été au spectacle, la salle crépita en applaudissements. Le tableau corse fut combiné sur-le-champs.»
    • Cette revue, dont la première représentation se tient le 26 septembre 1934, comprend 65 décors et 250 artistes.
    • Le contrat d’engagement au Casino de Paris stipule un cachet de 100 francs par jour de représentation.
    • Il s’agit de la revue la plus importante depuis la fondation de ce casino. Tino Rossi y est révélé. Il chante revêtu de son fameux costume corse. Le succès et le triomphe seront immédiats, dès les premières soirées.
    •  Tino débute son tour de chant à 22H30 par Vieni… Vieni… et enchaîne par Ô Corse, île d’amour
    • Comme le soutient la légende, Tino Rossi conquiert son statut de superstar au soir du 14 octobre 1934 – son nom commence à grossir dans la presse à partir de cette période ; son succès ne se démentira plus jamais après cette date cruciale.
  • Voir détails en page Tino Rossi – les Revues à Grand Spectacle.

Ci-contre & ci-dessous : Tino Rossi à la fin 1934, alors revêtu de son tout nouveau Costume Corse pour le Casino de Paris.

Photographie X – 1934 – Coll. C. R-V.

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La revue Parade de France s’avère un succès total et affiche complet tous les soirs. L’argent coule à flot et remplit tant les poches du Casino de Paris que de son Directeur Henri Varna. Mais, vu le modeste cachet de Tino Rossi, les recettes ne remplissent pas ses poches… Aussi, Tino Rossi ayant du mal à joindre les deux bouts, bien que continuant encore à habiter dans une mansarde des plus sordide, sans confort ni chauffage, celui-ci demande à Henri Varna de renégocier son contrat à la hausse, pour pouvoir, par exemple, se payer un radiateur pour commencer…

Comme Henri Varna ne veut pas augmenter le cachet (de 100 francs par jour) de M. Tino Rossi, se réfugiant derrière le contrat déjà signé, et ce malgré sa prise d’importance, Tino Rossi, qui est alors très demandé n’a d’autre solution que de « doubler » en parcourant les cabarets de Paris après le spectacle du Casino de Paris, pour améliorer son quotidien.

  • Le 15 décembre 1934, Tino Rossi chante à l’Hôtel de Ville de Levallois-Perret au grand gala présidé par Me de Moro-Giafferi, accompagné de Damia, Florelle, Raymond Souplex…
  • Du 22 au 29 décembre 1934, Tino Rossi chante au Montecristo (8, rue Fromentin), après minuit.
  • Le 24 décembre 1934, Tino Rossi est en gala à Paris, 84 rue de Grenelle, salle des horticulteurs, pour le Grand Gala Corse de Noël, accompagné du ténor corse Gaston Micheletti (de l’Opéra Comique).
  • idem en 1935 (voir ci-dessous).

Ci-dessus : Tino Rossi à ses débuts sur scène, après avoir abandonné le traditionnel smoking noir, désormais accoutré en « corse typique », sur scène en 1934 très probablement au Casino de Paris, ou dans un club où il « double ».

  • – Nota : Tino Rossi chante alors sans microphone.

Photographie X – 1934 – Coll. C. R-V.

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  • Au 31 décembre 1934, Tino Rossi, qui n’a pas encore atteint sa notoriété maximale, parvient à vendre cette année 415.000 disques 78 tours, ce qui constitue à cette époque, un score colossal.

En 1935, Tino Rossi est très demandé dès ce début d’année. On se l’arrache partout, alors qu’il est en spectacle tous les jours au Casino de Paris, et qu’il double déjà dans d’autres cabarets, en plus des séances d’enregistrements de ses 78 tours….

  • Le 31 janvier 1935, Tino Rossi participe au gala donné au prestigieux Théâtre des Champs-Élysées organisé par le Club du Disque et de la Radio, parmi pléthore de vedettes. Parmi elles : Charles et Johny, Gilles et Julien, Jean Lumière, Suzy Solidor, Lys Gauty, Yvette Guilbert, Georgius, Charpini et Brancato, Marianne Oswald, Stéphane Grapelli, Manuel Pizarro, A.J. Pesenti, Gus Viseur etc…
  • Le 12 février 1935, Tino Rossi reprend ses représentations dans la revue Parade de France après un arrêt de travail de quelques jours.
  • Le 14 février 1935, Tino Rossi enchaîne par le prestigieux Gala de la Marine donné à l’Opéra Garnier. Ce gala est placé sous le haut patronage de M. le Président de la République – Albert Lebrun.
  • Tino Rossi vient interpréter ses créations parmi pléthore de grandes vedettes de l’époque telles que Berthe Bovy, Pils & Tabet, Jacqueline Claude, Saint-Granier qui présente aussi le spectacle, Joséphine Baker, Lys Gauty, Marie Dubas, Jeanne Aubert, le danseur étoile Serge Lifar, l’actrice Simone Simon ; le tout parmi de somptueux décors.
  • Il s’agit là d’un réel privilège d’avoir pu être d’un tel événement.
  • Il est à noter que dès le début 1935, l’Armée Française et les plus hautes institutions de la République ont donc « adopté » Tino Rossi et reconnu en lui un talent certain et que jamais, à cette époque, un artiste « approximatif » n’eût été invité à se produire dans un tel spectacle d’un si haut prestige et d’une telle envergure devant M. le Président de la République…
  • Le 20 février 1935, Tino Rossi participe au Dîner des Escholiers, à Paris, au Claridge, où il chante à l’issue du repas, pour les invités.
  • Du 1er au 7 mars 1935, Tino Rossi est en gala à Paris, au Cinéma Pathé-Natan-Lyon, accompagné par l’orchestre Racosta.
  • Le 2 mars 1935, Tino Rossi est en gala à Paris, 84 rue de Grenelle, salle des horticulteurs, pour le Grand Gala Corse, accompagné du ténor corse Gaston Micheletti (de l’Opéra Comique), au cours duquel sera élue la Reine de Beauté des Corses 1935…
  • Du 8 au 15 mars 1935, Tino Rossi est en gala à Paris, au Cinéma Pathé-Natan-Saint-Marcel, accompagné par l’orchestre Soulier.
  • Le 22 mars 1935, Tino Rossi participe avec d’autres vedettes du disque (dont Nitta Jo et Milton) au Gala des Vedettes Columbia radiodiffusé sur le Poste Parisien (au piano : Joseph Benvenuti). Il y interprète en direct les chansons suivantes : Vieni… VieniNoël en mer et Lentement dans la nuit. Fait révélateur, le succès est tel pour Tino que les auditeurs écrivent en masse aux journaux. Le triomphe de l’interprète est total.
  • Du 22 au 28 mars 1935, Tino Rossi est en gala à Paris, à l’Européen.
  • Le 23 mars 1935, rebelote, Tino Rossi est en gala au Magic City (180, rue de l’université – Paris), pour l’élection de la Reine des Reines de Paris et celle de l’Impératrice des provinces françaises !
  • Du 29 mars au 5 avril 1935, Tino Rossi est en gala à Paris, au Cinéma Pathé-Métropole.

Ci-contre : couverture du second supplément catalogue des Disques Columbia (n°97 – Avril 1935), dont Tino Rossi figure en couverture, à l’occasion de nouvelles sorties de disques.

(Coll. C. R-V.)

  • Le 6 avril 1935, Tino Rossi et Jean Clément en concert à Radio Paris. Tino chante : Le tango de MarilouVoulez-vous Lisette ? et Viens aimer.
  • Le 10 avril 1935, Jean Wiener & Clément Doucet, Tino Rossi, Lys Gauty, Edmée Favart et Berthe Bovy chantent en gala radiodiffusé en direct sur le Poste Parisien.
  • Le 2 mai 1935, Tino Rossi participe au gala de charité donné au Florian à Paris, au profit des Gueules Cassées et des Orphelins de l’Aviation, autour des grandes vedettes du music-hall de l’époque.
  • Du 3 au 9 mai 1935, Tino Rossi se produit en direct au Cinéma Pathé-Orléans, à Paris.
  • Du 10 au 16 mai 1935, Tino Rossi se produit en direct à Bobino.
  • Du 17 au 31 mai 1935, Tino Rossi se produit en direct à l’A.B.C, avec son nouveau costume typique, et là, ce fut un plein succès.
  • Du 1er au 15 juin 1935, Tino Rossi se produit en direct à l’Européen.
  • Le 4 juin 1935, Tino Rossi participe au gala de charité du Bal des Petits Lits Blancs qui est donné au Cercle Interallié de Paris, avec d’autres vedettes telles que le ténor Georges Thill, le danseur Serge Lifar, la danseuse Lisa Duncan, l’acteur Fernand Gravey, le chanteur Maurice Chevalier…
  • Le 5 juin 1935, Tino Rossi est présent, avec Lys Gauty, lors de l’inauguration de la Maison LANCÔME S.A. au 29 rue du faubourg Saint-Honoré. Il y interprète ses derniers succès lors de la présentation des 5 parfums lancés ce jour-là par la toute nouvelle maison de luxe.
  • Le 17 juin 1935, Tino Rossi, accompagné de ses guitaristes, participe au gala de charité La Fête de l’Eau donné à la Piscine Molitor de Paris, au bénéficie de la caisse de secours de l’Union des Artistes.
  • Le 19 juin 1935, Tino Rossi chante au Dîner des 300, repas caritatif donné au Pré Catalan (à Paris) pour l’entr’aide des femmes françaises.
  • Du 22 au 27 juin 1935, Tino Rossi chante en direct au Cinéma des Batignoles…
  • Le 25 juin 1935, Tino Rossi participe au Grand Bal annuel de l’école HEC, au Théâtre de Verdure du Cercle Interallié de Paris, accompagné, notamment de Serge Lifar.
  • Le 26 juin 1935, Tino Rossi chante, malgré sa fatigue, entouré de multiples vedettes, au Cirque d’Hiver de Paris, pour le gala de bienfaisance donné au bénéfice de l’œuvre sociale israélite Pour nos Enfants.
  • Le 7 juillet 1935, Tino Rossi chante, entouré de multiples vedettes, au Théâtre d’Été au Jardin d’Acclimatation, pour La Journée des Mascottes.

Ci-dessus : portrait d’art où l’on voit Tino Rossi fort rarement avec cigarette en main.

Photographie Harcourt – Mai 1935 – Coll. C. R-V.

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Mais le chanteur ne veut pas seulement se cantonner aux seuls spectacles sur scène.  S’il souhaite enregistrer des mélodies corses et des chansons françaises à la mode du moment, il aime aussi enregistrer certaines compositions classiques, qu’il interprète d’ailleurs avec grande qualité, tact et émotion.

Tino Rossi souhaite notamment enregistrer sur disque deux mélodies classiques composés par Reynaldo Hahn mais il souhaite l’accord préalable du Maître.

Toutefois, le 9 juillet 1935, confiant en son « poulain », M.  Jean Richard, le Directeur des studios d’enregistrements Columbia à Paris, organise l’enregistrement à l’insu du Maître.

Tino Rossi ne connut jamais la réponse à sa requête.

  • Néanmoins, la qualité des gravures fit dire – peut-être non sans quelque ironique dépit – à Reynaldo Hahn : « [Sa] voix tire son attrait de cette matière somnambulique, de cette simplicité poussée à l’excès avec un art, probablement inconscient, du modelage musical. »
  • Il est vrai que ces deux interprétations sont si réussies que l’on s’en aperçoit aisément lorsque l’on en possède le 78 tours DF1783 neuf…
  • Nota : en Janvier 1938, Reynaldo Hahn reconnaît avoir été tinorossiste pendant quelques années, même si ensuite il ne l’était plus, à regret. En voici sa raison, en toute transparence dans Le Figaro : « ses ports de voix se sont multipliés au point de tout enrober dans une sorte de matière caraméleuse qui efface les contours mélodiques et, abandonnons cette métaphore compliquée, de transformer son chant, jadis si strict et si net malgré tout, en une suite de gémissements plaintifs. »

Ci-dessus : portrait d’art de Tino Rossi sur cartoline grand format.

Photographie Intran-Studio – 1935 – Coll. C. R-V.

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Toujours en 1935, le succès de Tino Rossi ne se dément pas et enregistre beaucoup : 34 titres.

  • Du 12 juillet 1935 au 13 septembre 1935, sont radiodiffusés les Concerts Radiophoniques du Pèr-Lustucru (galas préenregistrés pour une diffusion en été 1935 sur plusieurs radios françaises). Participent notamment à ces concerts : Bach et Laverne, Tino Rossi, Georgius, Damia, Paul Colline…
  • Le 27 Juillet 1935, Tino Rossi est en gala à Vittel, à la salle des fêtes, avec Géo Charley et Reine Paulet…
  • Le 7 août 1935, Tino Rossi est de passage à Marseille, en partance dès le lendemain pour la Corse.
    • Il en profite pour venir revoir son premier tourneur – Petit-louis,  ainsi que le basse de l’Opéra de Marseille – Adrien Legros qu’il avait connu à ses débuts.

Ci-dessus, de g-à-d : Tino Rossi, Petit-Louis et Adrien Legros dégustant des coquillages à Marseille, devant une échoppe de la rue Fortia toujours réputée pour ses fruits de mer.

Photographie Baudelaire – 7 août 1935 – Coll. C. R-V.

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Ci-dessus, de g-à-d : Adrien Legros, Tino Rossi, Petit-Louis et le fantaisiste Michel dégustant des coquillages à Marseille, devant une échoppe de la rue Fortia toujours réputée pour ses fruits de mer.

Photographie Baudelaire – 7 août 1935 – Coll. C. R-V.

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  • Le 15 août 1935, Tino Rossi est en Corse, à Ajaccio, où il célèbre la naissance de Napoléon Bonaparte, en interprétant l’Ave Maria (de Gounod).
  • Le 28 août 1935, Tino Rossi et la cantatrice Jeanine Micheau donnent un concert radiodiffusé au Poste Parisien.
  • Le 30 août 1935, Tino Rossi, Lucienne Boyer et les duettistes Pills & Tabet sont en spectacle à Bordeaux, au Théâtre Français.
  • Le 31 août 1935, Tino Rossi part en tournée en Suisse et les environs. Tino chante à Genève (au Kursaal) du 6 au 11 septembre 1935.
  • Du 13 au 20 septembre 1935, Tino Rossi et Marie Dubas sont engagés à Bobino (le contrat date du 12 juillet 1935) pour le spectacle de réouverture. Tino y rencontre un franc succès : il fait salle comble jusqu’au 20 septembre 1935. L’engagement de Tino Rossi est prorogé jusqu’au 26 septembre 1935 inclus.
  • Le 15 septembre 1935 au matin, Tino Rossi est interviewé le matin par le journal l’Intransigeant au Grand Palais (Paris), à l’occasion du Salon de la Radio.
  • Le 15 septembre 1935 à 20H00, Tino Rossi, Damia, Guy Berry, Jean Granier, Marguerite Gilbert, Blanche Féline, le trio Jean, Jac & Jo et Pierre Dac inaugurent par leur présence l’ouverture de la nouvelle station Radio-Cité créée ce jour, en y donnant un concert qui est, bien sûr, radiodiffusé (émission Radio-Cité Music-Hall).
  • Le 16 septembre 1935, Tino Rossi participe avec Lys Gauty, Guy Berry, Jacqueline Claude et Germaine Béria à la Fête des Caf’ Conc’ qui se déroule au Vélodrome Buffalo, à Paris. Orchestre Adolphe Deprince.

Ci-dessus : couverture du Programme de la Fête des Caf Conc’, au Vélodrome Buffalo, et extrait de la séquence avec Tino Rossi.

d’après Gaston Girbal – 16 septembre 1935 – Coll. C. R-V.

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Ci-dessus : Tino Rossi au Vélodrome Buffalo de Paris pour la Fête des Caf’ Conc’.

Nous reconnaissons autour de Tino Rossi : Saint-Granier à sa droite, Lys Gauty à sa gauche, le boxeur Georges Carpentier derrière Tino de profil, ainsi que l’accordéoniste Fredo Gardoni (tenant l’instrument du confrère Alfeo Garibaldi – mystère-), et Henri Betti tout à droite du cliché.

Photographie X – 16 septembre 1935 – Coll. C. R-V.

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  • Du 27 au 29 septembre 1935, Tino Rossi, accompagné par l’orchestre argentin A.J. Pesenti, est en gala à Lausanne (Suisse) au Splendid.
  • Du 4 au 10 octobre 1935, Tino Rossi est de passage au Théâtre de l’Odéon de Marseille, où, accompagné de ses deux guitaristes, il met le feu à la salle. Le spectacle est localement décrit comme formidable et unique dans les annales artistiques de Marseille ! Parmi son tour de chant, il interprète notamment : Un soir… Pas d’avantage Vieni… Vieni… ; Maître Pathelin C’est à Capri.
  • Le 7 octobre 1935, Tino Rossi est victime de sa première fake-news… En effet, une rumeur lancée auprès des rédactions de journaux fait état d’un grave accident de voiture de Tino dans le sud de la France, où il serait gravement blessé… Information totalement bidonnée.
  • Les 8 et 9 octobre 1935, Tino Rossi (le Napoléon de la chanson comme on le surnomme déjà) signe ses disques chez le grand disquaire de Marseille, la Maison Raphaël !
    • L’on organise régulièrement des séances de dédicaces dans des magasins de musique, où Tino vient signer ses disques 78 Tours. En plus de multiplier les ventes de disques par opportunité, inutile de dire que Tino a eu un bon entraînement dès le début de sa carrière ; c’est peut-être pour cette raison qu’il signera toute sa vie toujours abondamment pour le public…

Ci-dessus : devanture du Palais de la Radio et du Disque Pathé-Marconi, sis au 30, boulevard des Italiens, à Paris,

  • On notera, entre les deux postes TSF Marconi stabilisés, le portrait de Tino Rossi.
  • Le siège de Pathé-Marconi avait été transféré à cette adresse depuis le 29 mai 1913, et comportait donc le magasin amiral au rez-de-chaussée.

Photographie X – Octobre 1935 – Coll. C. R-V.

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Ci-contre : pochette de soie, aux traits de Tino Rossi, portée par les admiratrices d’avant-guerre dans leur sac-à-main ou près de leur cœur…

D’après photographie Arnal – Circa 1935 – Coll. C. R-V.

En 1936, Tino Rossi est partout à la fois…

  • Du 3 au 9 janvier 1936, Tino Rossi accompagné de ses guitaristes chante à Brest, au Cinéma Le Celtic.
  • Le 13 janvier 1936, Tino Rossi chante en direct sur Radio-Cité.
  • Du 31 janvier au 2 février 1936, Tino Rossi chante à Troyes, au Cirque Municipal, où il interprète notamment : Ô Corse, île d’amourC’est à CapriMaître PathelinO ciuciarellaGuitare d’amourVieni… VieniIl pleut sur la route.
  • Le 4 février 1936, Tino Rossi et ses guitaristes, accompagné de Cinda Glenn, chante au Gala des Étoiles à Nantes, au Théâtre Graslin.
  • Le 6 février 1936, Tino Rossi et ses guitaristes sont en représentation à Roanne, au Palais des Fêtes.
  • Du 7 au 13 février 1936, Tino Rossi et ses guitaristes sont en représentation à Lyon, à l’Eldorado-Casino. Le comique Ouvrard est aussi du spectacle.

Ci-dessus : cartoline publicitaire DISFO sur passage de Tino Rossi à l’Eldorado Casino, à Lyon.

(1936 – Coll. C. R-V.)

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  • Du 14 au 16 février 1936, Tino Rossi et ses guitaristes sont en représentation à Saint-Étienne, au Cinéma Rex.
  • Le 17 février 1936, Tino Rossi, Maurice Chevalier, Marie Dubas et Fernandel participent au gala de soutien à la veuve du clown Antonet, au Cirque Medrano (Paris).
  • Du 21 février au 13 mars 1936 Tino Rossi donne son tour de chant à l’A.B.C de Paris en vedette principale. Le succès est une nouvelle fois au rendez-vous. Cinda Glenn, meneuse de revue qui a tourné dans Marinella avec Tino fait aussi partie du spectacle.
  • Le 23 février 1936, Tino Rossi chante au bénéfice de l’association israélite caritative Pour nos Enfants. Albert Préjean y participe également.
  • Le 1er mars 1936, Tino Rossi donne un concert à Radio-Cité accompagné par l’orchestre Jazz Wins où il interprète les chansons principales de son nouveau film Marinella.
  • Le 12 mars 1936, Tino Rossi accepte de prolonger à l’A.B.C, suite aux milliers de lettres de spectateurs et d’admirateurs (et surtout d’admiratrices) qui ont écrit massivement à la direction… Mais le spectacle est alors totalement renouvelé. Tino Rossi change tout son répertoire !
  • Du 14 au 26 mars 1936, Tino Rossi reprend la revue à l’A.B.C avec ses chansons récentes comme Un violon dans la nuitIl pleut sur la route ainsi que les toutes nouvelles chansons tirées de son premier grand film dont il est la vedette principale, Marinella, accompagné cette fois-ci de Damia, plus tragique que jamais, qui présente sa dernière création : Sombre dimanche.

Ci-dessus : Affiche Tino Rossi et ses Guitaristes utilisée en 1935/36 pour ses tournées en province.

D’après lithographie Freychet – 1935 – Coll. C. R-V.

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Une voix plein écran.

  • Tino Rossi commence  tout d’abord très-timidement sa carrière cinématographique dès 1934 par quelques « apparitions » vocales et silhouettes dans des films.
  • Puis, en 1935, après sa participation chantante dans le film Justin de Marseille et son apparition en troubadour dans le film Ademaï au moyen âge qui ont été remarquées, Tino Rossi est contacté par un jeune producteur de film américain installé en France depuis seulement quelques années, M. Jack Forrester, qui lui a rédigé un scénario sur mesure où Tino tient le rôle principal du film..
  • Jack Forrester, convaincu et débordant d’enthousiasme, déclare à Tino Rossi, qu’il va lui produire son premier grand film et lui promet un énorme succès.
  • Aux doutes raisonnables alors exprimés par Tino sur sa propre capacité d’acteur, Jack Forrester lui répond sans hésiter : « Mon vieux, ce sera sensationnel, je te vois incarnant ce jeune homme. C’est une composition simple, naturelle, tu n’auras qu’à être toi et chanter. À l’avance, c’est gagné, tu peux en être sûr, ce sera un triomphe ! »
  • Tino Rossi est emballé par la proposition enthousiaste de M. Forrester qui y croit dur comme fer, et finalement accepte de se lancer dans l’aventure.
  • Aussi, lui est-il présenté le réalisateur du film, M. Pierre Caron, qui va se charger de tourner ce film écrit exprès pour « Tino ».
  • Ainsi, le 14 mars 1936, sort (à l’Aubert Palace, à Paris)Marinella, un film de Pierre Caron, écrit sur mesure pour la nouvelle coqueluche du disque et de la T.S.F. C’est un triomphe immédiat. Partout, il y a des files d’attente interminables aux guichets…
    • Nous pouvons affirmer que Pierre Caron à réussi là le chef-d’œuvre de sa vie en tant que réalisateur.

Ci-dessus : cartoline publicitaire grand format des Disques Columbia de 1936 – d’un tirage Forrester-Parant pour le film Marinella. (Coll. C. R-V.)

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Ci-contre : pour la 3ème fois en 2 ans, Tino Rossi fait encore la couverture du supplément-catalogue des Disques Columbia (n°108 – Avril 1936), et « casse la baraque » avec ce film et les disques y attachés.

(Coll. C. R-V.)

De Tino Rossi au Front Populaire… Au hasard de l’histoire…

Coïncidence de l’époque, les mélodies de Vincent Scotto qu’il interprète dans le film Marinella accompagneront l’arrivée du Front Populaire au pouvoir.

Il s’agit des titres Marinella, Tchi-tchi, J’aime les femmes c’est ma folie & Laissez-moi vous aimer,  sur des paroles signées Émile Audiffred (également son imprésario), René Pujol et Géo Koger.

Même si Tino Rossi  s’est toujours tenu très éloigné des considérations politiques, il va cependant chanter pour les grévistes, notamment dans le hall des Galeries Lafayette, pour donner du baume au cœur des vendeuses et autres cousettes qui faisaient alors la « grève sur le tas ».

Il convient de préciser que les deux événements (émergence de Tino Rossi au cinéma et émergence du Front Populaire) se sont bel et bien superposés dans le même espace-temps mais n’ont pas été imbriqués.

Dans l’Émission de Philippe Alfonsi diffusée le 15 janvier 1980, sur Europe 1 – Grandes Ondes nous vous proposons de redécouvrir cet épisode si particulier (coll. C. R-V.)

ci-contre : tract promotionnel distribué à Genève. 1936 – Coll. C. R-V.

  • Le 5 juillet 1936, Tino Rossi, de retour de Suisse, passe soutenir son ami, le cycliste Charles Pélissier à Cholet, dans une épreuve sportive locale. Tino donne le départ de la course, en personne, et en profite pour chanter à la foule les grands succès de son répertoire : Marinella ; Un violon dans la nuit ; Chanson pour Nina ; Ô Corse ! Île d’amour  et Guitare d’amour.
  • À partir du 2 août 1936, Tino Rossi est en tournée d’été. Il commence par Deauville le 2 août. Puis il part en Belgique où notamment le 5 août 1936 il chante au Casino-Kursaal d’Ostende en Belgique accompagné par l’orchestre de Paul Godwin. Le 8 août 1936 il est à Dinard au Balneum… Le 9 août 1936 à Brest… Le 10 août 1936 à La Baule, au Casino Municipal… Le 11 août 1936 aux Sables-d’Olonne… Le 15 août 1936 à Biarritz, au Casino Municipal… Le 18 août 1936 à Cannes, au Palm Beach – pour le bal des petits lits blancs… Le 22 août 1936 à Juan-les-Pins, au Casino… Le 23 août 1936 à Saint-Raphaël… Le 28 août 1936 à Vichy. Il y interprète ses derniers succès comme : D’Ajaccio à BonifacioMarinellaD’un bateauChanson pour NinaUn violon dans la nuitVieni… Vieni.
  • Puis Tino Rossi remonte vers Paris pour participer aux répétitions de la nouvelle grande revue à venir. Il participe au passage à un gala de charité le 6 septembre 1936 à Ris-Orangis au Théâtre de Verdure, au bénéfice des Retraités des Artistes du Spectacle de la Fondation Dranem. Il y interprète 15 de ses succès.

Ci-dessus : Tino Rossi lors des répétitions de la future revue Tout Paris Chante, au Casino de Paris avec les Girls.

Photographie Mar-Presse – 1936 – Coll. C. R-V.

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  • En Août 1936, Petit-Louis, qui avait fait débuter Tino Rossi en 1930 et ce jusqu’en 1932, organise ses derniers spectacles dans les alentours d’Aix-en-Provence.
  • À la mi-Septembre 1936, Tino Rossi descend en voiture à Aix-en-Provence, et passe en surprise revoir son premier impresario, son premier tourneur en qui il a une confiance totale. Tino Rossi demande  de but-en-blanc à Petit-Louis de lâcher ses affaires et de se mettre à son service exclusif. Petit-Louis accepte et les voici tous les deux partant ensemble pour la Corse tourner les dernières scènes du film Au son des guitares. Petit-Louis rejoint donc Tino Rossi à Paris et devient son secrétaire particulier à temps complet, une fois Tino Rossi devenu une vedette confirmée. Il restera à son service jusqu’à sa disparition dans les années 1950.

Ci-dessus : Tino Rossi de passage chez lui, 3, boulevard Suchet, à Paris, entouré de sa maman Eugénie et de son secrétaire particulier Petit Louis.

Photographies Brodsky – 1936 – Coll. C. R-V.

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  • Vers le 17 septembre 1936, Tino Rossi reçoit le baptême de l’air. En effet, c’est la première fois qu’il prend l’avion. Le départ est à Marseille, l’arrivée est en Corse. Pendant le vol, il est accompagné par Paul Azaïs avec qui il termine les dernières scènes du film Au son des guitares.

Ci-dessus : Nina Rossi au bras de son époux, posant devant son hôtel-bar-restaurant Au Beau Soleil, à Viarmes, 45, rue aux fées, en Seine-et-Oise.

Photographie X – circa 1946 – Coll. C. R-V.

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Fidélité à Columbia :

Finalement, après un bref passage d’environ 6 mois chez Parlophone en 1932 pour son premier disque, Tino Rossi n’a jamais quitté sa maison de disques Columbia – (devenue en 1949 une filiale des Industries Musicales et Électriques  Pathé-Marconi puis renommée EMI en 1964).

Clin d’œil de l’histoire : en 1936, la maison Parlophone est absorbée par Columbia qui réédite, dès le mois de Juin 1936, l’enregistrement du 1er décembre 1932 sous la nouvelle référence DF1920 ; depuis 2013, EMI s’appelle… Parlophone Music France.

Tino Rossi, un chanteur international :

Dès Juillet 1934, la presse des Pays-Bas commence à s’intéresser à Tino, publie ses sorties de disques et les radios de ce pays commencent à le diffuser sur les ondes.

Dès la fin de 1935, la presse de Grande-Bretagne commence à s’intéresser à Tino dans ses colonnes, notamment dès 1936 aux sorties de disques et à ses derniers succès…

Ci-contre : un supplément-catalogue britannique des Disques Columbia, outre-manche, de Juillet 1938. En couverture, Tino Rossi, the voice that charms – Tino Rossi, la voix qui charme !

(Coll. C. R-V.)

Ci-dessus : Tino Rossi en 1950, en visite à Paris au 30, Boulevard des Italiens, au Palais de la Radio et du Disque – Pathé-Marconi, inspectant attentivement les partitions de ses derniers succès.

  • Le siège de Pathé-Marconi avait été transféré à cette adresse depuis le 29 mai 1913, et comportait donc le magasin amiral au rez-de-chaussée.

Photographie Paramount – 1950 – Coll. C. R-V.

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Le contrat initial de 1933, comme cela se faisait autrefois, était prorogé d’année en année par tacite reconduction orale… Les décennies ont passé, jusqu’au jour où, plus de 30 ans après, vers 1967, Pathé-Marconi se décide à régulariser en faisant resigner un nouveau contrat à Tino, qui profite judicieusement de l’occasion pour percevoir une généreuse avance…

  • L’épisode est décrit dans le livre de Carlos Leresche : Tino Rossi Secret.

Ci-dessus : vers 1967, le pot pour fêter le renouvellement du contrat liant Tino Rossi à Pathé Marconi…

  • De gauche à droite : Pierre Bourgoin – Directeur de la Production, François Minchin – PDG de Pathé-Marconi, l’Avocat de Tino Rossi, Mme Lazare – service juridique P.M, Tino Rossi, Carlos Leresche – Directeur Artistique de M. Tino Rossi.

Photographie X – Coll. C. R-V. Don de M. Carlos Leresche.

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De la scène à la radio.

La carrière de Tino Rossi prend une dimension essentielle au music-hall avec l’impresario Émile Audiffred.

Après l’A.B.C, où le public lui a réservé un honnête succès, il est donc engagé en 1934 par Henri Varna et Audiffred au Casino de Paris pour la revue Parade de France, consacrée au folklore des provinces.

Tino Rossi se confectionne une sorte de costume « spécial Corsica », qui campe un corse de carte postale, pourra-t-on dire, mais il faut bien cela pour marquer les esprits parisiens déjà blasés…

Tino se retrouve donc sur scène en bottes rouges, chemise et pantalon bouffants, guitare à la main et veste sur l’épaule et obtient dès le 14 octobre 1934 un triomphe inédit grâce à deux chansons que Vincent Scotto vient de composer pour lui, Ô Corse, île d’amour et Vieni… Vieni…

  • Tino Rossi et Vincent Scotto s’étaient déjà croisés auparavant à Lyon en 1932 ou en 1933, suivant deux hypothèses qui cohabitent (sans avoir pu trancher jusques à présent).
    • soit lors d’une tournée montée par « Petit-Louis » dans cette ville en 1932… Où Petit-Louis aurait prévenu Vincent Scotto de passer discrètement voir son prodige…
    • soit lors de la tenue de la Conférence Charles Cros, organisée par M. le Directeur commercial des Disques Columbia – Jean Bérard, à Lyon le 30 octobre 1933. Où Jean Bérard aurait prévenu Vincent Scotto de passer discrètement voir son prodige…
  • Autant Vincent Scotto repéra immédiatement le potentiel de Tino, autant Tino Rossi fut durablement marqué par l’empreinte de Scotto…
  • Aussi, quand Henri Varna signifia à Tino qu’il lui fallait se trouver des chansons pour la revue Parade de France, il repensa immédiatement à Scotto, qui habitait Paris…
    • Lors de leur premier rendez-vous à Paris, chez Vincent Scotto dans son petit appartement de travail, Tino, fort intimidé par le déjà légendaire Scotto, l’appelle Maître ; ce que Scotto refuse et lui enjoint de l’appeler Vincent ou encore Mon vieux
  • Les deux hommes travailleront sur bien d’autres chansons jusqu’à la mort de Vincent Scotto, le 15 novembre 1952.
  • Nous vous proposons un enregistrement sorti de nos archives, où Jean-Claude Brialy retrace assez fidèlement les débuts de carrière de Tino Rossi à Paris, ainsi que la rencontre avec Vincent Scotto : Histoires de Stars – 21 novembre 1986 – Tino Rossi – Europe 1 – Grandes Ondes.

Ci-contre : affiche officielle de la revue Parade de France.

Lithographie Bedos – d’après X – 1934 – Coll. C. R-V.

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  • À partir du 30 septembre 1936, Tino Rossi remonte sur la scène du Casino de Paris pour la revue Tout Paris chante, mais cette fois en tête d’affiche.

Ci-contre : affiche officielle de la revue Tout Paris Chante.

Lithographie Bedos – d’après Van Caulaert – 1936 – Coll. C. R-V.

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Parallèlement, Tino Rossi vend de plus en plus de disques, à savoir 80.000 par mois quand la deuxième vente culmine à 6.000 (en l’occurrence, Maurice Chevalier). Dans ces années 1930, l’industrie du disque balbutie et la radio n’est pas encore un objet familier. Elle va bientôt donner aux artistes une audience nouvelle, avec ce que cela représente sur les ventes de disques.

Dans le cas de Tino Rossi, sa voix est tellement présente sur les ondes qu’en 1939, il demande lui-même, par écrit, aux stations de moins le programmer car il craint de lasser les auditeurs. Si le disque et la radio ont largement stimulé la carrière de Tino Rossi, ils n’en ont pas moins trouvé en lui un support essentiel de pénétration dans les foyers.

Sa fulgurante percée tient aussi à son physique à la Rudolph Valentino. Vincent Scotto rappelle, dans ses Souvenirs de Paris, l’attraction qu’exerce son ami Tino sur la gent féminine : « Les femmes s’approchaient de lui avec une telle férocité que si je n’étais pas collé à lui pour monter en voiture, si dans la bousculade je me laissais distancer de quelques mètres, il me fallait renoncer à lui, et la voiture partait sans moi. Les femmes étaient avides de le voir de près, certaines se seraient laissé piétiner plutôt que de céder leur place […]. » Et d’ajouter : « Sa voix de rêve a enchanté presque tous les cœurs du monde. Quel philtre mystérieux possède cette voix pour troubler ainsi quand il chante ! On est charmé et on l’écoute recueilli. Une chanson embellit la vie, Tino embellit tout ce qu’il chante. » Car Tino Rossi est devenu une idole, la première dans l’histoire de la chanson. Familièrement désigné par son prénom d’artiste, il se trouve confronté à d’inimaginables manifestations d’affection amoureuse, dont il n’aimait guère parler.

En toute logique, cette voix, que d’aucuns comparent à une chasse d’eau ou un robinet, d’autres à de l’or, du velours ou du miel, est promptement sollicitée par le cinéma car il n’existe alors que les films chantants pour donner au public l’occasion de découvrir le visage des vedettes.

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Ci-dessus : Tino Rossi en 1937, recevant chez lui des lettres d’admiratrices enflammées, des photographies et des 78 tours à dédicacer…

Photographie Brodsky – 1937 – coll. C. R-V.

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En 1937, de grands bouleversements attendent Tino Rossi.

  • Dès Janvier 1937, un opuscule racontant la vie de Tino Rossi est édité, preuve que le story-telling bat déjà son plein autour d’un artiste d’à peine 5 années de carrière… Et pourtant déjà phénomène mondial…
    • Les gens ont envie de mieux connaître Tino, et ainsi, ce livret est-il censé les rassasier pour un temps…
  • Le 6 février 1937, Tino Rossi et Joséphine Baker chantent ensemble quelques chansons pendant environ 40 minutes, au Théâtre de l’Empire (à Paris), le tout étant retransmis à la radio (Poste Parisien).
  • Le 26 février 1937, Tino Rossi participe parmi le parterre de vedettes au Gala de l’Union des Artistes au Cirque d’Hiver, où il se métamorphose pour l’occasion en haltérophile.

Ci-contre : en Mars 1937, Tino Rossi a droit à son second prestigieux recueil de partitions grand format (24×32), paru aux éditions Labbé et Méridian. Album des 21 Succès (dont 12 de Tino) (Coll. C. R-V.).

  • Du 12 au 18 mars 1937, Tino Rossi est en tournée à Marseille, au Théâtre de l’Odéon (avec ses guitaristes).
    • Il loge dans le prestigieux Hôtel de Noailles, réussite oblige.
  • Du 19 au 23 mars 1937, Tino Rossi est en gala à Montpellier, au Capitole (avec ses guitaristes). Il y interprète notamment Un jour je te diraiMarinellaChanson pour ma brune.
  • Le 24 mars 1937, Tino Rossi est en gala à Saint-Étienne, à l’Éden.
  • Du 26 mars au 1er avril 1937, Tino Rossi est en gala à Lyon, à l’Eldorado-Casino.
  • Les 2, 3 et 4 avril 1937, Tino Rossi est en gala à Grenoble, au cinéma l’Éden.
  • Le 10 avril 1937, Tino Rossi est en gala avec Joséphine Baker, Mistinguett et Maurice Chevalier au Théâtre des Marionnettes du Luxembourg (à Paris).
  • Du 22 au 26 avril 1937, Tino Rossi est en gala à Bordeaux au Ciné-Théâtre Français. Bien que faisant salle comble, les représentations sont gravement perturbées par des hordes d’étudiants bordelais (une bonne centaine) furieux contre lui, Tino ayant décliné l’invitation à un vin d’honneur sur leur campus… 
    • Ils hurlaient : « Chantera… Chantera pas !» comme des enragés.
    • L’étudiant le plus déchaîné de la horde qui hurlait le plus furieusement fut brutalement réduit au silence par un coup de poing magistral dans la mâchoire, et là, ce fut le début de la bagarre générale.
    • Il faudra l’arrivée de la police pour rétablir l’ordre par deux fois et expulser les impétrants pour que le tour de chant puisse enfin démarrer…
    • Peut-être avaient-ils compris que jamais ils ne réussiraient leur vie aussi bien que Tino ? 
  • Le 15 mai 1937, Tino Rossi, de retour à Paris depuis le 1er mai, assiste à la première de l’Opérette-Revue Ceux de la Légion, de Vincent Scotto, au Théâtre Antoine, dont la vedette principale est Georgel.
  • En Mai 1937, Tino Rossi, au bar du Fouquet’s à Paris, est abordé en soirée par le producteur cinématographique Robert Hakim, qui lui déclare : « Je n’irai pas par quatre chemins. J’ai un film formidable à vous proposer : Naples au baiser de feu. Le rôle principal a été écrit sur mesure pour vous. J’ai déjà engagé Michel Simon, Viviane Romance, Mireille Balin  ainsi que Genina pour la mise en scène et Vincent Scotto pour la musique.»
    • Mais Tino Rossi, qui lui précise qu’en temps normal, il signerait des deux mains, décline, par rapport à son emploi du temps surchargé de tournées de galas, d’émissions radiophoniques, d’enregistrements de disques…
    • Mais Raymond Hakim ne désarme pas et lui rétorque, en lui glissant le script du film sous le bras ainsi que les premières partitions de Vincent Scotto : « Lisez tout cela cette nuit, et vous me rendrez réponse demain matin à dix heures dans mon bureau. »
    • Rentré chez lui, Tino Rossi dévora le script et n’en dormit pas de la nuit tellement le scénario était remarquable et les chansons signées Vincent Scotto un tel enchantement.
    • Le lendemain, Tino Rossi se rend au rendez-vous et c’est dans le bureau de M. Robert Hakim que lui sera présentée Mireille Balin, et ce fut le coup de foudre.
  • Le 8 juin 1937, Tino Rossi participe à la première projection du film La Grande Illusion de Jean Renoir, à Paris, au Cinéma Le Marivaux, qui sera donnée à guichets fermés.
  • Le 16 juin 1937, Tino Rossi participe avec Joséphine Baker et Maurice Chevalier à la 3ème journée hippique des artistes (Fondation Maurice Chevalier), sur l’hippodrome de Tremblay-lès-Gonesse (l’entraînement ayant lieu le 10 juin 1936). Une épreuve de trot départit Tino et Maurice. Maurice est vainqueur !

Ci-contre : Tino Rossi à l’entraînement.

Photographie X – 10 juin 1936 – Coll. C. R-V.

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Ci-dessus : arrivée de la course sur l’hippodrome du Tremblay. Tino Rossi et Maurice Chevalier radieux !

Photographies SAFARA – 17 juin 1936 – Coll. C. R-V.

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Ci-contre : pour la 4ème fois en 3 ans, Tino Rossi fait encore la couverture du supplément-catalogue des Disques Columbia (n°119 – Avril 1937) sous forme de piqûre de rappel, à l’occasion de nouvelles sorties de disques.

(Coll. C. R-V.)

En 1937, c’est également le cinéma hollywoodien qui s’intéresse aussi bien à Tino Rossi qu’à Mireille Balin.

  • Le 22 juin 1937, la presse révèle que Tino Rossi est engagé par Hollywood, pour tourner des films aux USA… Le départ de l’artiste est annoncé à terme…
  • En Juillet 1937, Tino Rossi séjourne quelques jours à Cannes, sur la Croisette, avec Mireille Balin…

Ci-dessus : Tino Rossi à Cannes (06), devant un curieux prototype d’automobile à deux places qui lui est présenté.

Photographie Mougins & C° – Juillet 1937 – Coll. C. R-V.

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  • Le 17 novembre 1937 en début d’après-midi, Tino Rossi et Mireille Balin partent pour les USA de la gare Saint-Lazare (où est présente une foule invraisemblable d’au moins 2000 fanatiques), puis embarquent le même jour sur le paquebot Normandie. Maurice Chevalier est venu souhaiter un bon voyage à Tino. Marlène Dietrich s’embarque aussi le même jour sur un autre train…

Ci-dessus : Tino Rossi dans le hall de la Gare Saint-Lazare, en partance pour Le Havre, vers les USA, dûment protégé par la police. Complètement à gauche, Félix Marouani, son impresario.

  • Tino paré de son superbe manteau du couturier Larsen, en cheviotte écossaise.

Photographies Meurisse-Mondial-Rol (haut) et Keystone (bas) – 17 novembre 1937 – Coll. C. R-V.

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Ci-dessus et ci-contre : Tino Rossi embarque dans le train, direction, les USA. Mireille Balin étant montée à bord avant lui.

Photographies X – 17 novembre 1937 – Coll. C. R-V.

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  • À l’arrivée du navire aux USA le 22 novembre 1937, Tino Rossi est placé en quarantaine à Ellis island, pour un problème de formulaire d’entrée mal rempli. En effet, si Tino Rossi avait bel et bien déclaré venir aux USA pour y tourner des films, il n’avait pas signalé qu’il y ferait aussi de la radio… Ce qui a entraîné un quiproquo… Plus de peur que de mal, la quarantaine n’a duré que quarante minutes, M. le Consul de France ayant fait régulariser la situation.

Ci-dessus : portrait promotionnel de Tino Rossi pris à New-York et exploité en France.

Photographie Lazarnick – 1937 – Coll. C. R-V.

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Ci-dessus : Tino Rossi à New-York, revêtu de son costume traditionnel, lors de ses récitals.

  • Tino porte la tayolle bleue (large ceinture traditionnelle en Provence), qui maintient un pantalon bouffant de velours marron.
  • Tino porte une fine chemise blanche couverte du gilet de velours sans manches, le tout agrémenté par le foulard blanc autour du cou, et la veste, en velours elle aussi, portée sous le bras.
  • Les bottes de cuir sont de couleur fauve.

Photographie Lazarnick – 1937 – Coll. C. R-V.

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Aux États-Unis, où la radio passe « du » Tino sans arrêt, il donne quelques récitals tandis que Vieni… Vieni…, repris par les orchestres de Benny Goodman, Rudy Vallée et Bob Crosby (le frère de Bing), est classé premier du « Top tune of the week » (le hit-parade américain de l’époque) vingt-huit semaines d’affilée, fait unique pour une chanson française. Lorsque, le 10 mars, bronzé dans un costume blanc en shark skin (peau de requin), il fait son entrée à la Xe cérémonie des Oscars du cinéma, tous les acteurs se lèvent et l’applaudissent spontanément. Le maire de New-York Fiorello LaGuardia baptise même Tino-Rossi l’un des quais de la ville.

Mais Tino ne se plaît pas en Amérique, qui vient pourtant de réinventer pour lui l’expression « latin lover », mise à la mode quelques années auparavant en l’honneur de Rudolph Valentino. Il veut retrouver la France et refuse les offres financièrement alléchantes de Hollywood, qui le verrait bien en prince russe reconverti en danseur mondain dans une super-production de la Twentieth Century Fox baptisée Balalaïka. Mireille Balin, en contrat avec la Metro-Goldwyn-Mayer, fait de même, pour les mêmes raisons.

En 1938, l’adaptation à l’Amérique s’avère plus compliquée que prévue.

  • Le 9 janvier 1938, Tino Rossi et sa troupe de musiciens arrivent à Montréal en fin de journée par la Gare Windsor.
    • La foule se masse rien que pour essayer de l’apercevoir à une fenêtre de son train et cette gare subit une émeute en règle…
    • Il faut retourner à l’arrivée d’Enrico Caruso à Montréal le 26 septembre 1920 pour retrouver de tels attroupements dans les gares et les guichets de vente des billets de spectacles.
  • Les 10 et 11 janvier 1938, Tino se produit pour la première fois au Canada, à Québec au Palais Montcalm.
  • Du 12 au 16 janvier 1938, Tino Rossi se produit en gala à Montréal, au théâtre His Majesty’s.

Ci-contre : Tino Rossi au Canada en Janvier 1938, devant un édifice de type châteauesque (à identifier).

Photographie X – 01/1938 – Coll. C. R-V.

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  • Le 24 janvier 1938, Tino Rossi commence sa tournée aux USA. M. le Maire de New-York – Fiorello H. LaGuardia reçoit personnellement Tino Rossi dans le bureau municipal.
    • C’est au cours de cette entrevue que LaGuardia informera en avant première Tino Rossi : « vous savez qu’il va y avoir la guerre dans toute l’Europe ». C’était avant les accords de Munich… Et nous savons ce qu’il est advenu…

Ci-dessus : Tino Rossi chaleureusement reçu par Mr. le Maire de New-York – Fiorello H. LaGuardia, dans le bureau municipal.

  • Au mur, le portrait de Mr. Aaron Clark, le second maire élu de New-York.

Photographie X – Janvier 1938 – Coll. C. R-V.

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  • Le 31 janvier 1938, Tino Rossi chante en direct sur la radio NBC.
  • Les 4, 7, 11, 14, 18 février 1938, Tino Rossi chante en direct sur NBC.

Ci-dessus : Tino Rossi dans les studios de la New-York Broadcasting Company entre le 31 janvier et le 18 février 1938.

Photographies Jackson N-Y.- Coll. C. R-V.

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Mais Tino et Mireille n’en peuvent plus. Ils ont le mal du pays.

  • Le 28 février 1938, Tino Rossi et Mireille Balin, après avoir pris discrètement un navire de retour (le Queen Mary) le 23 février 1938, remettent pied à terre en France, à Cherbourg. Officiellement pour des congés… Dans les faits, ils ne retourneront plus aux USA. Les amants sont de retour à Paris dans la soirée, par la route, pour éviter la cohue des admirateurs et des admiratrices déchaînés à la Gare Saint-Lazare qui les attendaient.
  • Le 23 mars 1938, notons l’ouverture du cabaret corse « Chez Rossi – l’Île-de-Beauté », au 49, rue de Ponthieu à Paris, tenu par Antoine Rossi, un des frères de M. Tino Rossi. Il paraît que Tino l’a aidé dans cette entreprise.
  • Le 7 avril 1938, Tino Rossi est de retour à Paris, par le train.
  • Le 8 avril 1938, Tino Rossi participe parmi plus de 100 vedettes, à la Grande Nuit de Paris, gala donné Salle Pleyel au profit des hospices des artistes de Ris-Orangis et de celui de Maurice Chevalier.
  • Le 17 juin 1938, Tino Rossi arrive aux Pays-Bas pour 3 jours et s’installe au Palace-Hotel de Scheveningen.
    • Tino chantera dans son costume corse très remarqué, accompagné par ses guitaristes attitrés Paul Bozzi et Léon Depoisier ainsi que le pianiste Marcel Gaveau.
  • Le 18 juin 1938, Tino Rossi donne un récital au Pays-Bas, à Scheveningen, au Kurhaus.
    • Il y interprète ses succès, dont Tchi-Tchi, Marinella, Vieni… Vieni… ; Écoutez les mandolines, Chant d’amour de Tahiti, Tarentella, Maître Pathelin et Catari… Catari.
  • Le 19 juin 1938, Tino Rossi donne un récital à la radio A.V.R.O. d’Hilversum (Pays-Bas).
    • Il y interprète notamment Chant d’amour de Tahiti, Pour tous chante ma guitare et Un violon dans la nuit. Le récital dure 45 minutes. Le triomphe est total d’après la presse batave.
  • Le 20 juin 1938, Tino Rossi donne un récital au Pays-Bas, à Amsterdam, au Concertgebouw.
    • Retour à Paris le 21 juin 1938.
  • Le 14 juillet 1938, Tino Rossi donne un récital à la Porte Saint-Denis, sur une estrade, pour la Fête Nationale. Les admirateurs et admiratrices sont tellement nombreux que la situation vire au chaos ! Tino arrivant pour donner le spectacle se retrouve cerné par ses adoratrices survoltées. Les plus déchaînées se couchent sur la chaussée pour être au plus près de lui, quitte à risquer d’être écrasées ! Après avoir été délivré, Tino pourra donner son tour de chant, quoique très péniblement, la scène étant prise d’assaut à plusieurs reprises. Pour quitter la scène à la fin du spectacle, ce fut cauchemardesque. Il faillit même périr étouffé par les mouvements des foules déchaînées ! Entre 25 et 30.000 spectateurs étaient présents ce jour- là, toutes les prévisions avaient été dépassées.
  • Le 24 juillet 1938, Tino Rossi donne un récital à Echternach (Luxembourg) pour le Bal de l’Alliance Française, à l’Hôtel du Parc.

Tino Rossi continue aussi de chanter au cinéma ses plus grands succès, tant dans le domaine de la variété que des airs classiques. Ainsi, pour les besoins de Lumières de Paris (de Richard Pottier, 1938), il chante l’Ave Maria de Gounod, dont Maria Callas dira que personne ne l’a jamais chanté aussi bien. Paul Reboux écrira à juste titre, dans Paris-Midi, en Novembre 1938 : « Quand on n’a pas entendu Tino Rossi chanter l’Ave Maria de Gounod, on n’a pas le droit de juger Tino Rossi ».

  • Le 11 novembre 1938, pour fêter les 20 ans de la Victoire, Tino Rossi préside la soirée organisée par le Comité Général des Corses de Paris, qui se déroule dans la salle des horticulteurs, au 84, rue de Grenelle, à Paris.
  • Le 25 novembre 1938, Tino Rossi, Maurice Chevalier et Grace Moore chantent lors du gala, au Théâtre Marigny, pour la Nuit Merveilleuse des Catherinettes.
  • Le 26 novembre 1938, Tino Rossi en concert est diffusé en direct et pour la première fois simultanément par 3 stations radiophoniques majeures : le Poste Parisien, Radio Luxembourg et Radio Toulouse. (idem les 3, 10 et 17 décembre 1938)
  • Le 1er décembre 1938, Tino Rossi, Alibert, Maurice Chevalier, Reda Caire, Marie Dubas, Rina Ketty chantent pour venir au secours des familles des victimes de la catastrophe des Nouvelles Galeries à Marseille, suite au dramatique incendie survenu le 28 octobre 1938 qui a coûté la vie à 73 personnes.

En 1939, Tino Rossi va beaucoup voyager à l’étranger.

  • Le 9 janvier 1939, Tino Rossi et Mireille Balin prend le train de Paris (gare de Lyon) pour Marseille.
  • Le 10 janvier 1939, de Marseille, Tino Rossi part pour une tournée en Roumanie, en Turquie, en Syrie puis pour finir par l’Égypte. Il est accompagné de Mireille Balin.
  • Le 19 janvier 1939, débarquement à Alexandrie, du paquebot Khédive Ismaïl Pacha où il revêt à son arrivée le fez pour être agréable à ses admiratrices locales.
  • Le 20 janvier 1939, arrivée au Caire par le train provenant d’Alexandrie. Accueil délirant à la gare !
  • Du 21 janvier au 13 février 1939, Tino est en gala au Caire, au Cinéma Kursaal.
  • Retour à Paris le 19 février 1939.

Ci-dessus : Départ de Paris-Gare-de-Lyon vers l’Égypte de Tino Rossi et Mireille Balin.

Photographie X – 10 janvier 1939 – Coll. C. R-V.

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Ci-dessus : Mireille balin et Tino Rossi accueillis au Caire par les admirateurs !

Photographie Keystone – 21 janvier 1939 – Coll. C. R-V.

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Ci-dessus : Tino Rossi couronne la Reine des Corses de Paris 1939.

Photographie X – 19 février 1939 – Coll. C. R-V.

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  • Puis, dès le 25 février 1939, Tino Rossi repart à l’étranger, outre-Rhin…
  • Le 28 février 1939, une grande réception est organisée à Berlin par la grande cantatrice Margarete Slezak pour l’accueillir en grande pompe.
    • Aucun autre français n’avait été accueilli aussi chaleureusement avant lui.
  • Tino Rossi est acclamé du 1er au 31 mars en Allemagne dans le plus célèbre et le plus important cabaret de la capitale La Scala de Berlin.
    • En Allemagne, il est surnommé Le troubadour moderne. Mais il refuse de prolonger cette série de galas à Hambourg et Vienne. Tino prend le chemin du retour pour Paris le 4 avril 1939. Se reporter à la page Tino Rossi – les Revues.
  • Le 9 avril 1939, Tino Rossi fait escale à Nancy où il donne deux galas ce même jour à la Salle Poirel, où il remporte un énorme succès.  Tino interprète : « Aux îles d’amour »« Sérénade portugaise », « La belle conga »« Chant d’amour de Tahiti », « Bambinella »« Tristesse de Chopin»« Tarentelle »« Reviens », une chanson du film Lumières de Paris, une berceuse corse, « Tchi-Tchi », et pour le final, « Marinella ». Tino, rentrant d’Allemagne, est accompagné sur scène par 15 guitaristes venus le rejoindre de Paris par le train.
    • Extrait de L’Est Républicain du lendemain : « Vers 18 heures, Tino Rossi s’est rendu à Pathéphone où il a signé ses disques et chansons. La rue des Dominicains était noire de monde et les organisateurs avaient dû faire appel à un service d’ordre. Quand Tino Rossi est arrivé dans une voiture amie, il a été salué par une ovation indescriptible. »
  • De retour à Paris, Tino se produit à l’Olympia du 13 au 30 avril 1939.
    • Il y chante notamment : « La sérénade portugaise (de Charles Trenet) », « La belle conga »« Chant d’amour de Tahiti »« Bambinella »« Tristesse de Chopin »« Reviens (Christiné) » ; « Tarentelle ».
    • En général, le tour de chant se conclut par : « Au bal de l’amour ».
    • Le dernier jour à l’Olympia (qui n’est alors qu’une salle de cinéma) est la dernière fois que Tino Rossi chantera sur scène avant la déclaration de guerre.

Ci-dessus : Tino Rossi sur la scène de l’Olympia, accompagné de ses guitaristes et d’un orchestre additionnel.

  • Sur le second cliché, complètement à gauche, le guitariste de renom M. Paul Bozzi.

Photographies X – Avril 1939 – Coll. C. R-V.

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  • Le 25 avril 1939, Tino Rossi chante en direct sur Radio-PTT.
  • Le 26 avril 1939, Tino Rossi chante au Bar des Acacias à Paris.
  • Le 27 avril 1939, Tino Rossi se produit aux Folies-Rambuteau, café-concert à Paris.
  • Le 28 avril 1939, Tino Rossi préside la vente de tickets de loterie organisée aux Magasins du Louvre par la Loterie Nationale en faveur des Comédiens Combattants.

Ci-dessus : Tino Rossi vendant les tickets de la Loterie Nationale aux admiratrices, aux Magasins du Louvre, à Paris, en faveur des comédiens combattants.

Photographie SAFARA – 28 avril 1939 – Coll. C. R-V.

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  • Le 29 avril 1939, Tino Rossi et Marie Dubas chantent pour le gala caritatif de La Nuit des Étudiants, un grand bal de nuit organisé par l’Association d’Entr’aide aux Étudiants, qui se tient dans la Mairie du Vème arrondissement de Paris.
  • Le 19 juin 1939, les USA rattrapent Tino Rossi, sur le plan judiciaire… En effet, suite à la plainte de la New World Pictures Limited Company (basée en Grande-Bretagne), le juge français des référés décide de faire passer sous huitaine un examen d’anglais à Tino pour évaluer son niveau linguistique dans la langue de Shakespeare.
    • L’affaire semble s’enliser, de plus, la seconde guerre mondiale arrive à grands pas… La trace de cette affaire disparaît dans les méandres de l’administration et de l’histoire…
  • Le 2 juin 1939, la presse annonce une tournée de Tino Rossi en Grande-Bretagne, qui cependant ne verra jamais le jour en raison de la déclaration de guerre.
  • Mi-Juin 1939, la presse annonce que Tino Rossi va tourner le film Fiesta, dans le rôle d’un grand matador espagnol, aux prises avec d’authentiques taureaux de combat. Projet retardé une première fois jusqu’en Janvier 1940 en raison de la déclaration de guerre…
  • Les 12 et 13 août 1939, Tino Rossi et Mireille Balin sont en week-end à Deauville au Bar du Soleil.

Puis éclate la Seconde Guerre mondiale le 4 septembre 1939. Courant 1939, les enregistrements de Tino Rossi se font déjà au ralenti.

Ci-dessus : affiche de la Tournée de galas Philips à laquelle Tino Rossi, Charles Trenet, Pierre Fresnay et Lucienne Boyer auraient participé en 1939.

  • Il est à préciser que Charles Trenet, Lucienne Boyer et Tino Rossi sont pourtant des vedettes exclusives des Disques Columbia… D’où la curiosité de cette affiche.

(Coll. M. Alain Brochet.)

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  • Le 31 décembre 1939, au Gaumont Palace, l’Association pour le Développement des Œuvres d’Entr’aide dans l’Armée donne son premier gala de bienfaisance, placé sous le haut patronage de M. le Président de la République – Albert Lebrun. Participent au spectacle musical Tino Rossi, Lucienne Boyer, Georgius, Jacques Pills et André Tabet, les Fratellini, Louise Carletti, Jacqueline Delubac…

Suite de la biographie de M. Tino Rossi en cliquant sur le lien ci-dessous :

Tino Rossi – Biographie 2 – Suite.

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